Après Pages – Le Sens, la musique et les mots, et La Vérité captive, Maxence Caron continue d’explorer le double chemin de la métaphysique et de la musique en prenant, cette fois-ci, pour lieu de réflexion celui-là même dont le nom, avec celui de Mozart, est devenu à bien des égards le synonyme de l’art des muses, Art dont Plotin nous rappelle que l’homme qui s’y adonne se place à rang égal du philosophe, directement à l’intérieur de la sphère de l’intelligible : Jean-Sébastien Bach.

Source d’une gigantesque bibliographie, Bach n’est pas de ces compositeurs inconnus que certaines époques ont oublié, tel Monteverdi dont le génie dut s’accommoder de quelques décennies d’ignorance, au contraire, il est plutôt à la mode ; ainsi, il est du meilleur ton de déclarer goûter ses mesures si l’on souhaite se donner l’air mélomane, quand bien même on ne les écoute pas véritablement. Dans ce cas, qu’est-ce que La pensée catholique de Jean-Sébastien Bach – La Messe en si, dont le titre seul, en plaçant « pensée » et « catholique » à son entrée, augure immédiatement d’un parti-pris, sinon franchement iconoclaste, du moins original, peut bien apporter à l’étude du musicien allemand, réputé luthérien ? Eh bien, c’est justement ce « blasphème » moderne qui motive l’ouvrage de Maxence Caron, en prenant la Messe en si à rebours d’une analyse strictement musicale pour en dérouler la puissance intemporelle à la lumière de cette pensée catholique qu’il révèle chez Bach, et dont il démontre avec une audace qui n’a d’égale que l’évidence qu’elle découvre, l’immense perspective métaphysique.

Autre qualité, et non des moindres puisqu’il est ici question de musique, la langue de Maxence Caron. Souffle magistral à l’intérieur duquel s’élabore une symphonie puissante, et qui possède le rare mérite de croiser dans ses phrases une prose intimement classique en même temps que moderne.

Rémi Lélian
La Nef, juillet 2010