J.S. Bach. En 1937, la révolution baroque était déjà en marche. Furtwängler nota cette année-là :

« Il y a quelque temps, j’assistais à une exécution de la Passion St Matthieu et, à part quelques soli bien chantés, ce chef d’œuvre, le plus sublime de toute la musique, me laissa ce jour-là l’impression d’une sécheresse et d’un ennui insurpassables ; mais à mon plus grand étonnement, la presse m’informa le lendemain qu’enfin nous avions entendu une exécution exemplaire de la Passion de Bach : que l’emploi d’instruments anciens et d’un chœur peu nombreux était conforme à ce que les dernières recherches de la musicologie nous avaient appris sur la façon dont Bach lui-même faisait chanter et jouer son œuvre ; que la chorale réduite, surtout, avait enfin, pour la première fois, permis de rendre son plein relief à la polyphonie de Bach. Comme si la polyphonie était une question d’effectifs et non une question d’interprétation ! (En réalité, à ce concert, tout ce qui était polyphonie avait été complètement escamoté – mais le critique ne s’en était pas aperçu.) Comme si – selon les salles – on ne pouvait aussi bien interpréter la musique polyphonique avec un chœur de 500 qu’avec un groupe de 50 ! Comme si on ne pouvait suivre plusieurs voix aussi clairement avec un orchestre qu’avec un quatuor !
Sans doute, quant au chant, cette exécution n’avait manqué ni de précision ni de justesse. Seulement on n’y avait pas entendu une seule mélodie vraiment dessinée et phrasée, pas une seule phrase vraiment expressive, pas une seule polyphonie faite de lignes vivantes. La musique de Bach était restée hors du jeu. Mais pour notre critique historiquement si bien informé, cette absence de Bach était apparemment tout à fait “conforme aux derniers résultats des recherches musicologiques”».

Texte à consulter sur le site de la Société Wilhelm Furtwängler

Le début de la Passion selon saint Matthieu dirigée par Furtwängler :