
Parution le 6 juin 2025
Maxence Caron, Le Chant cathédral : Poëme épique et perpétuel, Les Belles Lettres, 1120 p.
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« Je dis le chant nouveau dont la tonalité jusqu’alors introuvable
a dépassé le ventre des avenirs humainement déductibles. »Maxence
« Avec ses 40 000 versets, Le Chant cathédral est le plus long poème jamais écrit par un homme seul. Dans cette épopée qui est à la fois celle de l’humanité, du sacré, de l’histoire, de l’Ultime, et du langage creusant en un style illimité la profondeur de son propre mystère, Maxence Caron déploie une œuvre d’art totale. Les quarante premiers chants qui composent ce volume sont répartis en neuf livres (parmi lesquels le Chant de solitude, la Cantate anadyomène, les Symphonies de psaumes…) et font sentir à toutes nos facultés la présence inouïe d’un monde que le bruit du siècle jusqu’alors recouvrait.
Après avoir voulu donner ses fondations définitives à la philosophie en une tétralogie monumentale (publiée aux Belles Lettres entre 2018 et 2023), l’auteur peut laisser le Poëme s’épanouir comme la vocation qui se joint à la source même de la pensée. Ne requérant du lecteur aucune initiation, la poésie occupe la plus haute place : si la Philosophie dévoile en effet le lieu de la Vérité, le Poëme, lui, habite ce lieu. Lorsque la philosophie découvre l’emplacement du sanctuaire, la poésie y entre pour y vivre. Le Chant cathédral vit ainsi dans cet excès de grâce que sa parole trouve, ce pourquoi ce grand Poëme qui se fond en un souffle qu’on n’avait plus entendu depuis les origines, est affaire de « trouveurs » – ou, disait-on jadis, de « trouvères ». Par la force de son style et sa richesse instauratrice, par cette puissance verbale en incessant renouvellement, Le Chant cathédral est œuvre de l’ivresse dont vit, par-delà le temps, la vocation d’un « trouveur » consacré.
D’une vertigineuse créativité, Maxence Caron est l’un des grands stylistes de notre langue. Tout à la fois lyrique et colérique, affectueux et pamphlétaire, prévenant et altier, il sait aussi bien manier l’ironie et le sublime : sachant jouer de tous les registres émotionnels et tenant en main tous les instruments de musique, il invente ici une poésie orchestraleque l’on n’a jamais vue. Une renaissance littéraire s’y accomplit, dans la victoire du verbe. »
Sur le site des Belles Lettres
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Ce sont les âmes mortes qui font les « bons vivants ».
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Ceux qui établissent un rapport entre je ne sais quel « droit au blasphème » et les insultes qu’ils profèrent contre les mahométans, oublient qu’on ne blasphème que la vérité. L’erreur, l’hérésie, l’apostasie ne sauraient donc faire l’objet d’un blasphème, ni ouvrir réclamation d’un droit qui n’existe pas.
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L’abstention électorale est une objection muette et construite qui fait baisser le niveau de la majorité. Devenue majoritaire, elle signifie l’opposition de la masse ainsi croissante d’un peuple à l’équipée sans cesse amaigrie de ceux qui, sans soutien ni socle, exercent le pouvoir. L’abstention met à nu les cambrioleurs de la souveraineté : elle est l’arme dont use le vote pour qu’éclate au jour l’oligarchie, et elle est la noblesse dont use la démocratie altière afin qu’on lui rende la réalité de son exercice. Face à l’injonction piégée des corrompus de la nouvelle bourgeoisie invitant au scrutin comme à un devoir dont ils ont défini pour eux les façons d’utilité, l’abstention est le vote du non qui ne dit jamais oui.
L’abstention élective est cette affinité avec la grandeur qui refuse l’existence des eunuques politiques et des dégradants partis, que par le travail et l’impôt le sang du Pauvre paie afin qu’on le nie. L’abstention est une dilection électorale : elle est la mémoire de la démocratie lors, assassinée par l’indignité du narcissisme député, que la république depuis longtemps n’est plus. Donnez-moi le tiers d’un peuple cohérent que son abstention ranime, et je lui indiquerai sur-le-champ le chemin de ses royaumes naissants !
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Je m’approche de la fin : c’est le titre dont un certain Jacques Darras vient d’intituler un ouvrage poétique au-dessous du médiocre (voir chez Gallimard). Ainsi parlent en effet ceux qui sont morts depuis le commencement. Mais quand un poète travaille véritablement, il dit : « J’approche la fin », et s’y tient.
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« Ce que la poésie m’a appris : que du chaos, mystérieusement, le sens s’élève. » (Pierre Emmanuel, Une année de grâce, Seuil)
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Tous mes ennuis viennent de ce que je n’ai jamais voulu faire servir l’art à mon avancement temporel. Mais ils sont dérisoires au regard de ce que fussent mes tourments si j’avais cédé : puisqu’à gagner si facilement le monde en me payant de la monnaie de plaire, j’aurais alors perdu la seule joie qui survit au malheur, et qui n’est pas le monde mais la capacité d’art.
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Dans l’ordonnancement de ses charités calculées, un riche qui consent à l’aumône, un riche qui distribue quelques miettes de son bien, offre à sa personne beaucoup plus qu’il ne donne à quiconque : car il achète sa propre incurie.
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Le monde est fait d’un peuple gros et qui ne pardonne jamais ces quelques privilégiés à qui il n’a pas été permis d’être médiocres.
Maxençangelo
Service Littéraire, n° 191, avril 2025