La Nef, n°201, février 2009
Maxence Caron, dont le talent philosophique est connu, revient cette fois comme romancier et il nous donne un petit chef-d’œuvre.
Le style y est impressionnant. On perçoit immédiatement que l’auteur est attiré par tout ce qu’il y a de plus noble, nourri des plus grands ; il retravaille de fond en comble la langue et sa texture, en un acte simultané de renouvellement et d’hommage afin de nous offrir une langue inédite de beauté et de vigueur, combative, pleine d’humour, de hardiesse et d’harmonie, dans une alchimie qui semblait impossible en ce siècle vagissant. Orwell ou Burgess écrivaient des novlangues pour montrer les dangers d’une société totalitaire ou violente, Muray nous distanciait ironiquement par son classicisme aux prises avec Homo Festivus. Pour Maxence Caron, la langue est primordialement une émanation de la perfection divine qui doit se mettre à l’écoute de sa dignité après avoir constaté les déchéances verbales. Ainsi le style retrouve-t-il pleinement son efficacité à dire et contempler l’essentiel, et, en contrepartie, à dresser de manière panoptique un constat intraitable et définitif de notre temps qu’il qualifie d’« outre-modernité ».
Ce dernier thème révèle une autre facette essentielle de l’œuvre, la faillite de l’humanité, non pas sa future mort mais un coma présent et dépassé car déjà enfoui dans la proche venue de Dieu. Description apocalyptique inouïe et annonce du Règne, Microcéphalopolis est une eschatologie vivante et féroce, sombre parce que lumineuse, dont les descriptions drôles nous rappellent les audaces d’un tableau de Bosch et l’horizon apaisé un ciel de Giotto. Musicalité d’une prophétie biblique composée par Liszt.
Éric S. Thirion