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«Spécifiquement religieux ou tout simplement utilisant la ruse de l’oraison qu’est le sacré aux milliers de visages, le Verbe ne peut en finir d’épuiser sa cargaison de signes incompréhensibles pour qui refuse de braquer son regard sur un horizon bruissant de révélations.»
Juan Asensio, Il n’y a que la mauvaise presse qui sauve ou Philippe Muray ressuscité, Stalker, note du 13 octobre 2010.
En quelques lignes seulement, d’une rude et réconfortante crânerie (dont nous avons l’explication page 131, elle-même d’une rude mais cette fois-ci intimidante crânerie), on mesure l’abîme qui sépare de ce petit livre parfois trop mécaniquement surécrit (1) et très vite répétitif, le pesant et informe ouvrage d’Alexandre de Vitry, L’invention de Philippe Muray, qui tourne durant des pages autour d’une banalité (Philippe Muray est ou serait un écrivain) comme un moustique autour d’un Himalaya pour n’accoucher que d’une larve hyper-moderne, transgénique, donc transparente.
Deux livres sur le même auteur et qui, tous deux, affirment que Muray est, d’abord, un grand écrivain (un romancier, plus précisément, pour Maxence Caron). Deux livres, en attendant de pouvoir lire le troisième, toujours sur Muray, un ouvrage collectif dirigé par ce même Caron et publié par le Cerf. D’un côté, un silex taillé par Caron, à l’évidence quelque prototype survitaminé d’homo sapiens sapiens mais alors maximalement sapiens. De l’autre, un flan démoulé par Vitry, ancien élève de l’École normale supérieure de lettres et sciences humaines et agrégé de lettres modernes, nous dit la réclame qui ne se trompe jamais mais qui oublie qu’il ne suffit pas de posséder une besace de diplômes universitaires pour parvenir à gravir la dure pente qui peut faire de vous, sinon un grimpeur d’expérience, du moins un écrivain, même minuscule, un de ceux qui est encore capable d’écrire un essai.
Maxence Caron, et il a bien raison ma foi de défendre avec panache ce qu’il pense de son entreprise stratosphérique, ne tourne autour de rien, lui, et fonce ou fond comme un aigle sur ce qu’il importe, à propos de l’œuvre de Muray, de voir et surtout penser : «Le présent essai n’a d’essai que le nom, car il n’essaie pas, il réussit. Et d’ailleurs, l’auteur de ses lignes n’est pas un «essayiste» mais un réussiste. Merci pour lui. Comme dit l’autre, qui pense en cubes, je reprends la formule et je la guide, qui pense au cube : je ne cherche pas, je trouve» (p. 14).
Qu’a donc réussi Maxence Caron ou plutôt, qu’a-t-il trouvé, à propos de Philippe Muray, qu’il est le seul à avoir vu de sa vue perçante ou, tout du moins, le premier à avoir strictement défini (2) grâce à sa pensée non point cubique mais au cube ?
La réponse est simple, frappante, très certainement juste : Philippe Muray, au mieux, n’est point sorti, sa vie d’écrivain durant, d’une redoutable contradiction lovée au sein même de son entreprise critique et, au pire, n’a été qu’un affabulateur.
Rien de moins.
Ce centre nerveux ou plutôt ce moteur essentiel de la pensée murayenne est la question de Dieu : «Si Muray ne pense pas Dieu et la Différence divine fondamentale, il sera, au même titre que ce qu’il dénonce, et loin de toute renaissance possible, un «conservateur forcené de la destruction» – dégâts qu’il pose sans complexes comme un patrimoine littéraire dès la lecture qu’il opère de Balzac dans son XIXe siècle à travers les âges» (p. 21).
Autrement dit, si le fait de ne pas «penser l’espace de son propre déploiement a pour l’œuvre de Muray un immédiat effet, et fait apparaître un spectre qui est celui de l’accoutumance revendiquée à une créativité littéraire exclusivement destructrice» (p. 20), Muray n’est qu’un désespéré qui s’ignore, et rit plutôt qu’il ne pleure, comme Léon Bloy, sur son idéal saccagé. Une sorte de Léon Bloy moins le Christ et, surtout, la capacité confondante de déchiffrer les rébus divins, voilà qui n’est pas grand-chose.
En somme, Philippe Muray, postulant un catholicisme qui n’a rien de catholique selon l’auteur (cf. p. 25) n’est qu’un homo festivus au carré, supérieur, pensant au cube pour reprendre l’expression de Caron, lui pour qui, selon notre auteur, l’idéal n’a «aucune consistance en lui-même, il n’est aucune Substance : la Différence fondamentale de ce qui n’est pas de l’ordre humain ne l’intéresse pas» (p. 26).
Sans Dieu, point de salut évidemment mais, impératif névralgique (3) pour Maxence Caron, point de Muray, ou plutôt, puisqu’il a bel et bien écrit, un Muray incapable de sauver son œuvre qui dès lors pourra être comprise et interprétée comme une glose intenable et absurde étant donné que le fait, pour Muray, de ne pas se poser «la question de la possibilité de son propre discours dans une ère historique dont lui-même dit qu’elle rend impossible ce genre de discours» est, pour le moins une ironique contradiction et même une absurdité pour le moins obvie : «Comment le discours de Muray est-il possible au cœur de ce qui est conçu pour le nier ? Par simple réminiscence des temps anciens ? Par un simple renvoi à ce que fut l’histoire et à ce que, donc, elle n’est plus ?» (p. 24).
Le discours de Muray ne peut donc, selon Maxence Caron, être légitimé que par une seule instance, le catholicisme contre lequel l’Empire du Bien fournit et fourbit des armes bien affûtées depuis des lustres : «Effacer la religion chrétienne c’est effacer la contradiction et c’est donc, dans cette perspective de lecture de l’Histoire selon Muray, effacer la réalité, c’est entrer dans cette nursery sociale et générale où les désirs sont incontredits, et donc d’autrui la castration globale» (p. 25).
En quelque sorte, Philippe Muray, catholique de la dernière heure, ce qui n’est pas une raison pour que les portes du Paradis lui soient fermées au nez notons-le, a besoin du catholicisme comme levier pour soulever le monde occultosocialiste et le faire basculer dans la plus ridicule pantomime.
Pas étonnant, dès lors, que Caron cite en effet l’exemple de Bloy, évoquant «l’importance de sources sur lesquelles poser un regard lui échappe» puisque Philippe Muray en restera «à l’analytique et scopique dénonciation d’un phénomène dont la nouveauté sera posée mais non pensée, subie mais non soumise» (p. 35), Caron allant même jusqu’à écrire sans ambages que «L’Éternité est captive d’un esprit qui en fait un instrument pour se plaindre de ce qui n’est pas elle sans pourtant la rechercher. Ce détournement de divinité, c’est l’outre-modernité sous une forme contestataire» (p. 34, l’auteur souligne).
Plus simplement, donc : Philippe Muray, pourfendeur implacable de notre époque, en est non seulement le surgeon le plus resplendissant mais, à son insu, son plus ardent défenseur puisque, par ses textes, par sa position philosophique ayant donné naissance à ces derniers, il témoigne du fait qu’un homme et penseur peut désirer se battre contre le Gros animal qui l’a privé de sa joie la plus haute, celle de croire en un Dieu sauveur. Philippe Muray en serviteur ou esclave volontaire et en Brutus de comédie, à seule fin de donner quelques frissons aux rédacteurs de Causeur.
La thèse que démontre de façon implacable Caron, dont j’avais esquissé les linéaments dans un article moquant la facilité avec laquelle le fantôme de Muray était devenu un phénomène de mode, évoque un autre auteur, dont l’exemple, après celui, a contrario, de Bloy (que j’avais pour ma part opposé à Marc-Édouard Nabe, cet imprécateur disgracieux au sens étymologique : sans grâce) ne peut qu’être attendu : Charles Maurras, s’il est vrai que Muray, établissant «une positiviste politique littéraire à qui il est «utile» d’absorber certains dogmes religieux qui n’offrent pour l’auteur aucune valeur à croyance ou à pensée», agit d’identique façon à celle du fondateur de l’Action Française, qui use «de la religion sur le plan politique, à ceci près que, contrairement aux infections maurrassiennes, l’instrumentalisation opérée par Muray ne sert pas à créer un champ d’exclusion mais un instrument de lecture : le contenu du catholicisme lui ouvre un regard de vérité sur la douleur et l’effroi des comédies humaines» (pp. 28-9).
Comédies humaines, écrit Maxence Caron. Un nouveau nom, ici, se fait désirer. Balzac donc, dont on connaît l’importance paradigmatique aux yeux de Muray, qu’il vénère tout en l’ayant soigneusement débarrassé, selon Caron, de son catholicisme, n’est qu’un des intercesseurs de Muray pressé de gagner un paradis sans transcendance, le monde plat, sans intériorité véritable ni extériorité transcendante qui, une fois qu’il aura détruit la société hyper-festive qu’il abhorre, a toutes les chances de succéder à ce dernier.
Aux côtés de Balzac, plus haut que lui peut-être dans le panthéon personnel de Muray, figure un grand peintre, Rubens, que notre infatigable pourfendeur de l’hérésie moderniste va s’efforcer de faire servir ses propres intérêts, ceux d’une jouissance sans entraves, d’une «sexualité à la fois débridée et contrôlée» (p. 52) où le «dieu Rubens» comme le nomme Muray va servir de modèle quasi christique (4), mais un Christ privé de sa surnature puisqu’il ne s’agit que de «revivre par Rubens», «se libérer par lui» (5) et revivre et se libérer, nous l’avons dit, par la sexualité. Maigre Paradis que celui constitué par une paire de fesses de radasse.
Bien davantage qu’un ironique renvoi à l’envoyeur que se serait amusé à ourdir le dieu de Festivus festivus tout implacablement tendu vers l’exaltation de sa jouissance, Maxence Caron, une fois de plus, pointe la contradiction majeure sur laquelle l’entreprise de démolition de Philippe Muray s’est pourtant bâtie, à ses risques et périls dont, notamment, le fait de prêter le flanc à la mordacité d’une lecture comme celle de Caron : «Ce qui a servi à Muray pour analyser la société qu’il dénonce, à savoir le péché originel […], ce qui sert à Muray pour point d’éclairage général et principe d’exégèse du monde humain, ce péché originel, il ne se l’applique point à lui-même, ce qui donne cette époustouflante contradiction sur laquelle repose toute sa pensée : une fois achevée la destruction du «nouveau monde», le paradis conquis ne l’est que pour constater qu’on ne parvient ni à vouloir ni à se décider pour Dieu, que pourtant l’on désire» (p. 50).
L’originalité de Muray, pour reprendre les termes de Maxence Caron, nous semble illusoire puisqu’elle consiste à «être un homme d’outre-modernité qui impose une lecture chrétienne de la modernité comme une indépassable méthode, tout en ne croyant pas à la valeur extra-littéraire de ce qu’il emploie» (p. 44), le divin n’étant pas compris «comme un principe ontologique mais seulement comme un principe herméneutique», Muray ne débouchant finalement que dans un paradis qui n’est qu’un lupanar, affligé de «la mélancolie d’une attente éternelle qui est un Purgatoire d’écrivain sans désir de Dieu mais avec le désir de désirer Dieu» (p. 43), belle formule qui fait de l’écrivain et du penseur Muray, stricto sensu, un impuissant, à tout le moins un croyant raté pour lequel «entrer dans l’élément de l’âme qui reçoit [la] lumière, entrer dans la région secrète de silence et de clarté différentiale dont tout surgit possible pour un esprit en marche, est inutile, car l’urgence dont s’avère pour lui pétrie la littérature est la dénonciation sans annonce d’un quelconque après» (p. 41).
Philippe Muray détruit, follement, méchamment, mais ne bâtit pas. Et, contrairement à l’énormité que profère Maxence Caron avec son habituelle assurance (6), je ne suis pas franchement certain qu’il ait bâti une œuvre littéraire romanesque d’importance, encore moins poétique si j’en juge par les bambochades réunies dans Minimum respect, dans certains poèmes desquels, comme Mémoires, Caron prétend lire le dernier mot de l’écrivain et penseur Philippe Muray : «il n’y a pas de Muray sans christianisme», voilà ce qui doit «constamment frapper dans cette œuvre où le dogme chrétien refoule la spiritualité chrétienne et aboutit à la valorisation d’une sexualité éperdue au terme de laquelle demeure, parmi l’étale conscience de Dieu, la nostalgie d’un paradis qu’on ne cherche jamais» (p. 117) ou plutôt, que l’on cherche entre les jambes féminines, puisque, si «nous sommes encore là / Il faut bien s’enfiler» et «te sabrer à contretemps / Avec des cris d’orang-outang», pour le dire avec Muray paraît-il poète.
Pourtant, si Maxence Caron est bien le dernier homme au monde à ignorer le fait que Muray ne bâtit rien, puisque est patente son «incapacité […] à porter une renaissance tout en la suscitant» (p. 104, l’auteur souligne), s’il affirme encore qu’il n’est pas parvenu à trouver «la voie d’une langue de renaissance qui puisse dire la Beauté plutôt que souligner ce qui n’est pas elle» (p. 71) et qu’il «use de christianisme sans vouloir en connaître quoi que ce soit, et sans vouloir faire renaître quoi que ce soit de chrétien» (p. 75), Muray n’étant en outre capable, selon Caron qui emploie une très belle image biblique, que de «penser selon l’ombre que projette le dos de Dieu» (p. 108, l’auteur souligne), force est de constater que toutes ces tares, rédhibitoires lorsqu’il s’agit de caractériser la grandeur d’un écrivain, ne semblent absolument pas gêner notre auteur qui, le plus tranquillement du monde, affirme, avec justesse il me semble, qu’il «y a le génie, ou il n’y a rien» (p. 82), classant Philippe Muray, sans l’ombre d’une hésitation, dans la première catégorie, celle des écrivains qui demandent aux génies de leur donner du génie.
Il y a là une contradiction fondamentale ou, nous dit l’auteur lui-même à propos de Muray, une «contradiction époustouflante» (p. 50), à moins qu’un esprit fin me fasse remarquer que la catégorie du paradoxe peut parfaitement débrouiller notre affaire : Maxence Caron admet sans qu’on le pousse le génie de Muray pour avoir su comme nul autre disséquer les reins et le cœur flasques de notre époque tout en n’ayant pu ou bien voulu franchir le pas qui lui eût permis de chanter plutôt que de ricaner, lui qui s’est contenté d’avoir fait d’un «hiver d’insatisfaction sa moisson d’été» (p. 68), lui qui, résolument moderne et absolument pas réactionnaire ou passéiste pour un sou (cf. p. 62), peut être comparé au «Baudelaire de La Vie antérieure qui à l’arrivée du Christ demanderait qu’on le ligotât et fixât sur sa plage» (p. 61), lui qui n’est jamais rien d’autre qu’un «bidasse du seuil» aimant, bien davantage que la réelle présence, son illusion, «la dispersion du désir, la vadrouille et le mauvais alcool afin de contempler toujours ce qu’on ne cherchera jamais» (p. 60).
En fin de compte, l’extrême acuité du regard de Maxence Caron a quelque chose de terrible, lorsqu’elle fixe les plaies de Philippe Muray qui, à dire vrai, ne sont pas particulièrement discrètes, comme si la méchanceté jubilatoire de l’auteur hésitait à franchir le pas qui lui ferait affirmer que, non, résolument non, trois fois non, Philippe Muray n’est pas un génie, car le génie suppose, aussi, une grandeur de la volonté tirant toutes les conséquences d’une problématique personnelle, et la première d’entre elles, la conversion, n’étant pas rejetée pour ne servir que de commode et ridiculisante grille de lecture; non, résolument non, trois fois non, Philippe Muray n’est pas un romancier ayant «toute sa vie recherché les principes ontologiques d’un roman majeur» (p. 132) ou, s’il l’est, c’est au sens que lui donne Chantal Delsol qui évoque un «romancier de soi-même» (p. 150), comme le sont, à leurs façons distinctes bien que toutes deux ridicules, un Gabriel Matzneff diariste et un Renaud Camus nous instruisant sur l’oscillation complexe de ses couilles gersoises; non, trois fois non, Philippe Muray n’est pas un poète ni même quelque prétendu anti-poète qui aurait chassé le lyrisme de la poésie pour la transformer en arme contre une époque moins honnie que secrètement acceptée, comme seule place sensuelle depuis laquelle critiquer, moquer, démolir.
En fin de compte, le petit livre implacable de Maxence Caron nous montre une seule chose, une chose qui appartient d’emblée au domaine de la réflexion philosophique bien davantage qu’à celui de la critique littéraire et qui, en même temps, la déborde de toutes parts, sans jamais parvenir à se tenir dans la position du serviteur plutôt que dans celle du juge faisant de Muray un pauvre pantin tiraillé entre plusieurs postulations jamais reniées, comme celle de la pensée soixante-huitarde et son «dionyso-négativisme» (p. 137), un écrivain «pataugeant dans un hégéliano-nietzschéisme heideggeriano-compatible» (p. 134) : Philippe Muray a laissé Maxence Caron sur sa faim, lui qui n’est, pour l’auteur, que «le paradoxe d’un adversaire de compagnonnage» (p. 147) et c’est sans doute ce qu’a vu Chantal Delsol dans sa courte mais excellente postface, où l’auteur, dit-elle, «doit bien ressembler un peu à son personnage [Philippe Muray] pour le comprendre» (p. 150).
Avec Maxence Caron, Philippe Muray, tout écrivain et romancier qu’il est selon l’auteur, dernier romancier même (ce qui ne plaira pas à Richard Millet qui postulait pour la place), à une époque vidée de ses romans (cf. p. 132; ce qui est une évidente bêtise mais plaira davantage au Millet de L’enfer du roman), n’en demeure pas moins dans un purgatoire dont nous doutons qu’il sortira jamais, si ce n’est comme illustration flagrante d’un esprit sociologique ayant une plume littéraire et sachant, avec quelle redoutable efficacité, s’en servir contre un monde qu’il est bien incapable de défaire et, surtout, de reconstruire : «Muray quant à lui sculptera indéfiniment la porte de l’enfer, décelant les principes d’écriture d’une pensée qui pour la première fois dans l’histoire doit être un roman et est un roman, le plus neuf depuis Céline s’affirmant chroniqueur» (pp. 131-2).
Finalement, je ne sais si la défense de Philippe Muray telle que l’illustre Maxence Caron dans son ouvrage n’est pas une condamnation subtile d’une œuvre qui, à la différence de celle de Caron selon ses propres dires (7), a été contaminée par ses propres facilités.
Juan Asensio
Notes
(1) «Pris au subjectif moteur d’une rectrice insatisfaction, le brio d’un style suppurant de lucidité peut être guetté par le péril d’un asymptotique unisson avec les paroles de Richard III : Voici que l’hiver de notre mécontentement a fait un radieux été» (p. 21). Abondent les inversions de termes (comme l’antéposition de l’adjectif devant le nom) et mêmes des inventions lexicales, comme le délicieux «boursesoufflé» (p. 122) ainsi que les mots rares (indague, ablessissement, etc.).
(2) «Il s’agit de livrer une fois pour toutes le cadre au sein duquel Muray sera pensable» (p. 12).
(3) L’expression «point névralgique» est utilisée par Philippe Muray cité par Maxence Caron, p. 29.
(4) «[…] malgré la profession de foi hypothético-déductive dont le but et la fin sont l’efficacité descriptive et la mise en avant des vitalités perdues, ce n’est pas le Christ qui est médiateur et médecin, mais c’est l’artiste dont le génie a touché Muray pour à ses yeux avoir su dire l’ampleur du péché tout en la désamorçant par la manifestation esthétique même du péché comme péché», p. 37.
(5) La Gloire de Rubens (Grasset, coll. Figures, 1991), p. 14.
(6) Ainsi Caron finit-il par rejoindre la thèse de Vitry, et même lui insuffler une vigueur intellectuelle absente de l’ouvrage de ce dernier, lorsqu’il écrit que Muray est un «romancier analytique» (p. 74, l’auteur souligne) ou que l’œuvre murayenne est «la première pensée romanesque que l’histoire de la philosophie a donnée» (p. 100), affirmation aussi emphatique que fausse puisque nous pourrions analyser une partie de l’œuvre de Kierkegaard (à l’exclusion des textes religieux, sermons et apologies) comme d’essence subtilement romanesque. Pour le coup, c’est bien Kierkegaard que nous pourrions décrire, en paraphrasant Caron (cf. p. 88) mais surtout en suivant la leçon d’Olivier Delecroix dans Singulière philosophie, comme un philosophe romanesque au christianisme habituel mais habité.
(7) «Muray n’étudiera pas la raison ontologique d’une telle conflagration; cette tâche devait m’incomber, «malheureusement, et je ne sais pas où elle conduira l’œuvre; mais je n’aurais ni n’aurai pas droit à certaines facilités» (p. 131).