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Après le long, le besogneux, le très ennuyeux ouvrage du très normal normalien Alexandre de Vitry (L’Invention de Philippe Muray), voici que paraît, aux éditions Artège, un petit livre de 155 pages à peine, qui emprunte peut-être son titre à une étude de P. Emmanuel consacrée à la métaphysique et la religion de Baudelaire (Baudelaire, la femme et Dieu, réédité sous ce titre en 1982 au Seuil). Ce « petit livre » est, tout simplement, à mon sens, le premier texte véritablement intelligent et lucide qui ait été écrit sur l’œuvre et la personne de Philippe Muray. Comme l’auteur lui-même le dit, avant cet opus, « aucun ouvrage n’existait à cette fin de dire le sens et la subtilité de cet incontournable massif littéraire. » Ce « petit livre » rend aux lecteurs désireux de saisir de la pensée murayenne autre chose que sa très estimable pruine humoristique un immense service intellectuel. Ce « petit livre » est essentiel à qui veut tâcher de modestement entendre quelque chose à la philosophie de Philippe Muray. Ce « petit livre » est donc, comme de juste, signé Maxence Caron, jamais très loin de nous lorsqu’il s’agit d’aller à l’Essentiel.
Que nous propose donc ici Maxence Caron de si neuf et de si précieux ? Tout simplement la première étude de l’œuvre de Muray, c’est-à-dire le premier texte qui ne soit pas réductible à une flasque congruence d’imberbes louanges ou au contraire à un criard déferlement de ressentiment […]. Pour la première fois, et sans doute aussi pour l’ultime (sauf si le sieur Caron prévoit autres brillants ouvrages au même Muray consacrés…), une analyse exhaustive et aiguë de la pensée de Philippe Muray est livrée à l’incontinente inscience d’un public qui, sans doute, s’en souciera comme d’à peu près toutes les autres splendides œuvres du jeune philosophe, lequel a le délicieux culot d’affirmer qu’il n’est pas un « essayiste » mais un « réussiste ». Ici apparaît le premier texte qui rend la pensée de Philippe Muray a elle-même, qui en dévoile ses contradictions, ses limites, ses impasses, bref, qui en fait un objet problématisable, geste que n’aurait pu qu’approuver Muray, lui si allergique à tous ces allants-de-soi qui ne « font plus débat », pour reprendre ses propres termes.
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Si Philippe Muray semble bien avoir trouvé son maître, il y a entre le très illustre auteur des Exorcismes Spirituels, et le trop discret auteur de Microcéphalopolis au moins deux points communs fondamentaux, intimement liés sans doute : le style et l’humour. Maxence Caron le dit lui-même : « Pour être un homme, il faut un peu de style ». Voici donc un véritable homme, au sens métaphysique du terme, qui entreprend parler de « l’adversaire de compagnonnage » qu’il a trouvé en la personne du regretté Philippe Muray ; un génie parlant d’un autre génie avec génie, voilà sans doute la définition même d’un réussi (et non pas d’un essai…) dont la non-lecture serait à mes yeux un péché qui ne « sera pardonné ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir » (Mt 12:32).
Extrait de : Romain Debluë, Les Métamorphoses de Protée, Via Romana, , 550 pages, 2013