Service Littéraire, numéro 145

Bloc-Notes de Maxence Caron (février 2021) dans le Service Littéraire : Triomphe coronal d’une nation épidémique

Cette page, adaptée pour les besoins de la presse, est extraite d’un texte bien plus vaste, que l’on trouve dans le Bloc-notes du mystique à l’état sauvage (Les Belles Lettres, 2024).

Triomphe coronal d’une nation épidémique

Les Français ne peuvent se déprendre de leurs crimes, ni de s’y appliquer sans applaudissements. Qu’est certes un pays dont une grippe suffit à émouvoir la noise… En telle occise situation de pathologie nationale, et quand un éternuement suffit à achever l’affaire, n’importe quel rhume eût fait son office.

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Il n’y a rien de bon mais seulement un symptôme lorsque l’innumérable multitude des sots se fait vulgaire discoureur d’apocalypse, lorsque la populace fabrique sa collapsolalie et s’en vante. Ils vont, sans objet, poussant partout leurs jappements. Dans le vaste consentement amoral où l’ahuri majoritaire a laissé gésir l’Histoire, la vanité des masses ennuyées et l’immensité de leur désert sont si grandes que le vulgum, ainsi qu’une Cassandre au destin renversé et qui fût entourée de clones approbateurs, s’abîme dans la prédiction de telle imminente peste noire comme dans la jouissance de sa plus haute satisfaction intellectuelle. Regardez-les confus et guindés, qui font les indécis comptes des états de l’immanence ! Ils se saillissent les uns sur les autres : ô l’excitation tumultuaire ! ô l’ivrogneuse pousserie ! Partout l’on vaticine sur tel immédiat choléra mondial pour se donner le plaisir de l’avoir prévu. Je récuse cette vicieuse forme d’opiner. La Vérité a dit : « il y aura des épidémies » (Luc XXI, 11). Mais la Vérité procède clairement : « Quand j’agirai, j’agirai vite », dit-elle à Isaïe (LX, 21). Les épidémies d’Apocalypse seront des hécatombes limpides, non d’imprécises angines. Sous peine de contradiction sur le mot et la chose, il n’y a sûrement pas d’Apocalypse « asymptomatique ».

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« Si Dieu est bon, s’il est amour, alors il n’y a pas d’enfer » disent-ils, et c’est l’argument dont ils se payent et s’entreplâtrent. Mais c’est Dieu, et non l’homme, qui est Amour et qui est Bonté. Ne vont ainsi en enfer que ceux qui veulent l’enfer ou le préfèrent. L’enfer est un effet de la bonté de Dieu : la délicatesse de cette infinie et divine bonté a prévu l’enfer pour ceux à qui le Paradis serait infernal.

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Un complot mondial est impossible à échelle humaine. Une dissimulée et sournoise société de canailles charogneuses et autres crapules assoiffées peut évidemment se former – à commencer par la société des hommes en son ensemble… Une surnuméraire société d’arsouilles, une société de méchants intéressés, dotée de ses invisibles argousins, peut se constituer, et de telles il y a. Mais justement, en tant que telle elle ne peut subsister : si existe une société motivée par le mauvais, il ne peut, par définition, y avoir d’amitié entre les mauvais. Vivant dans la discorde que porte constamment avec soi l’égoïsme au nom de quoi ils se sont regroupés, leurs désirs de puissance n’atteignent pas à satisfaction et forment une société divisée qui n’a aucune force de gouvernement. Chacun finit par y détester ses confrères encore plus qu’il ne hait la masse de ceux pour le contrôle de qui il s’est acquis de tels confrères. Divisée par son origine même, une société de complot est divisée contre elle-même et n’a nulle capacité à contrôler un pays, un continent ou le monde – sans le consentement des peuples : par sa complaisance le pouvoir du peuple est complice des crimes dont il s’indigne mais qu’il connaît, ce pourquoi on veut à ce point le faire voter. Aucune « société secrète » ne peut subsister car sa mesure est uniquement soi : cette identité est la somme des égoïsmes, et hors référence au Transcendant les groupes humains se défont, leur horizontalité a pour fatalité l’évanescence puis la disparition. Il n’y a d’invasions barbares que si les barbares sont d’abord à l’intérieur : ils sont cet autochtone apostat et atone, décérébré, inculte, amolli et athée, qui, de tout son cœur, précède à bras ouverts l’envahisseur. Les Français veulent le bonheur, ils estiment que Dieu le leur doit ; mais non contents de le fuir, ils ne savent se déprendre de leurs crimes, ni de s’y appliquer sans une épidémique approbation.

Maxence Caron