« Richard Wagner et son oeuvre poétique », de Judith Gautier (1882)

 

RICHARD WAGNER ET SON ŒUVRE POÉTIQUE
DEPUIS RIENZI JUSQU’À PARSIFAL
1882

AVANT-PROPOS

Que le lecteur veuille bien ne considérer les premières pages de ce livre que comme un fragment des mémoires que je publierai peut-être un jour, non que ma vie vaille la peine d’être racontée, mais parce qu’elle a côtoyé souvent celle d’artistes très illustres. — Car il ne s’agit ici que de quelques souvenirs, écrits comme pour moi-même, souvenirs recueillis en plusieurs années de relations suivies avec Richard Wagner.
Les livres publiés sur le Maître, dans toutes les langues, dans tous les styles, pour le combattre ou le glorifier, empliraient une bibliothèque ; le catalogue seul de ces critiques, études, biographies, formerait un volume ; tout a donc été dit sur ses défaites et ses victoires, et sur ce que l’on veut appeler son système musical ; il est donc inutile de le redire une fois de plus. J’ai renoncé d’ailleurs, depuis peu, à toute idée de prosélytisme ; après avoir longtemps combattu, j’abandonne la lutte, au moment où pour beaucoup la victoire semble probable. J’ai pour cela des raisons que je ne veux qu’indiquer et qui me semblent décisives.
Ce que j’ai pris si longtemps pour la résistance ordinaire et fatale, pour la haine instinctive que tout public en tout pays éprouve d’abord pour les novateurs de génie, est en France, je le crains bien, plus que cela. Continuer à lire « « Richard Wagner et son oeuvre poétique », de Judith Gautier (1882) »

L’Epître de saint Jude

El Greco, l'ouverture du Cinquième Sceau de l'Apocalypse

(1) Moi, Jude, serviteur de Jésus Christ et frère de Jacques, je m’adresse à vous, les appelés, bien-aimés de Dieu le Père et réservés pour Jésus Christ : (2) que la miséricorde, la paix et l’amour vous soient accordés en abondance.
(3) Mes bien-aimés, j’étais bien décidé à vous écrire au sujet du salut qui nous est commun ; or me voici forcé de vous écrire pour vous exhorter à combattre pour la foi qui a été transmise aux fidèles une fois pour toutes. (4) Car il s’est infiltré parmi vous des individus que l’Écriture condamne depuis longtemps pour ce qu’ils font, des impies qui confondent la grâce de notre Dieu avec le droit de se livrer à la débauche, et qui renient Jésus Christ, notre seul maître et Seigneur.
(5) Bien que vous sachiez déjà tout, je veux vous rappeler ceci : le Seigneur, qui avait sauvé une fois pour toutes son peuple en le faisant sortir du pays d’Égypte, a pourtant supprimé ensuite ceux qui ont refusé de croire ; (6) quant aux anges qui ne se sont pas maintenus dans leur dignité, mais ont quitté la demeure qui était la leur, le Seigneur les maintient éternellement enchaînés dans l’obscurité en vue du jugement du grand jour ; (7) de même encore, Sodome et Gomorrhe et les villes d’alentour qui se sont livrées à la débauche de la même façon que les anges : en voulant aller avec des êtres d’une autre nature qu’eux, elles sont soumises pour l’exemple au châtiment du feu éternel.
(8) Et pourtant, ces individus, dans leurs chimères, font la même chose : ils souillent leur corps, ils méprisent la souveraineté de Dieu, ils outragent les anges glorieux. (9) Or l’archange Michel, discutant avec le démon dans la querelle au sujet du corps de Moïse, n’osa pas porter contre lui un jugement outrageant ; il lui dit seulement : Que le Seigneur te punisse ! (10) Eux, au contraire, tout ce qu’ils ne connaissent pas, ils l’outragent ; et tout ce qu’ils savent les corrompt, car ils ne le saisissent que par l’instinct, comme des bêtes sans raison. (11) Malheureux sont-ils ! Ils sont partis sur le chemin de Caïn ; pour de l’argent, ils se sont laissés emporter par l’égarement de Balaam ; ils ont péri avec la révolte de Coré au temps de Moïse. (12) Ces individus sont l’écueil de vos agapes, ils s’empiffrent sans pudeur, ils ne se préoccupent que d’eux-mêmes : nuages sans eau emportés par le vent ; arbres de fin d’automne sans fruits, deux fois morts, déracinés ; (13) flots sauvages de la mer, crachant l’écume de leur propre honte ; astres errants, pour lesquels est réservée à jamais l’obscurité des ténèbres. (14) C’est encore pour eux qu’a prophétisé Hénok, le septième patriarche depuis Adam, qui disait :Voici que le Seigneur, avec ses saints anges par dizaines de milliers, (15) vient siéger pour le jugement universel et accuser tous les hommes pour tous les actes d’impiété qu’ils ont commis, et pour toutes les paroles intolérables que les pécheurs impies ont prononcées contre lui. (16) Ce sont des gens qui récriminent, qui protestent contre leur sort, qui s’en vont au gré de leurs passions ; leur bouche profère des énormités, ils n’ont d’égard pour les gens qu’en fonction de leur intérêt.
(17) Mais vous, mes bien-aimés, souvenez-vous de ce qui vous a été prédit par les Apôtres de notre Seigneur Jésus Christ. (18) Ils vous disaient en effet qu’aux derniers temps, il y aura des railleurs, menés par leurs passions impies. (19) Ce sont des fauteurs de divisions, ils ne dépassent pas l’humain, ils ne possèdent pas l’Esprit. (20) Mais vous, mes bien-aimés, que votre foi très sainte soit le fondement de la construction que vous êtes vous-mêmes. Priez dans l’Esprit Saint, (21) maintenez-vous dans l’amour de Dieu, attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ en vue de la vie éternelle. (22) Ceux qui sont hésitants, prenez-les en pitié, (23) sauvez-les en les arrachant au feu ; quant aux autres, prenez-les aussi en pitié, mais avec crainte, en détestant jusqu’au vêtement souillé par leur corps.
(24) Gloire à Dieu, qui a le pouvoir de vous préserver de la chute et de vous rendre irréprochables et pleins d’allégresse, pour comparaître devant sa gloire : (25) au Dieu unique, notre Sauveur, par notre Seigneur Jésus Christ, gloire, majesté, force et puissance, avant tous les siècles, maintenant et pour tous les siècles. Amen.

Pascal : « Le Mystère de Jésus »

Le Mystère de Jésus

Blaise Pascal

Jésus souffre dans sa passion les tourments que lui font les hommes; mais dans l’agonie, il souffre les tourments qu’il se donne lui-même. Turbare semetipsum (Jn. XI, 25). C’est un supplice d’une main non-humaine, mais toute-puissante, et il faut être tout-puissant pour le soutenir.

Jésus cherche quelque consolation au moins dans ses trois plus chers amis et ils dorment ; il les prie de soutenir un peu avec lui, et ils le laissent avec une négligence entière, ayant si peu de compassion qu’elle ne pouvait seulement les empêcher de dormir un moment. Et Jésus était délaissé seul à la colère de Dieu.

Jésus est seul dans la terre non seulement qui ressente et partage sa peine, mais qui la sache. Le ciel et lui sont seuls dans cette connaissance.

Jésus est dans un jardin, non de délices comme le premier Adam, où il se perdit et tout le genre humain, mais dans un de supplices, où il s’est sauvé et tout le genre humain.

Il souffre cette peine et cet abandon dans l’horreur de la nuit.

Je crois que Jésus ne s’est jamais plaint que cette seule fois. Mais alors il se plaint comme s’il n’eût plus pu contenir sa douleur excessive. Mon âme est triste jusqu’à la mort.

Jésus cherche de la compagnie et du soulagement de la part des hommes.

Cela est unique en toute sa vie, ce me semble. Mais il n’en reçoit point, car ses disciples dorment.

Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde : il ne faut pas dormir pendant ce temps-là.

Jésus au milieu de ce délaissement universel et de ses amis choisis pour veiller sur lui, les trouvant dormant, s’en fâche à cause du péril où ils exposent non lui mais eux-mêmes Continuer à lire « Pascal : « Le Mystère de Jésus » »

Maurice Blondel : jansénisme et anti-jansénisme de Pascal

 

Maurice Blondel, Jansénisme et anti-jansénisme de Pascal
(Revue de Métaphysique et de Moral, 1923)