L’Oeuvre poétique complète de Hölderlin

Friedrich Hölderlin
Oeuvre poétique complète

Texte établi par Michael Knaupp 
Traduction, introduction et notes de François Garrigue
Édition bilingue avec variantes, chronologie, tables et index

Les Belles Lettres, 1016 pages, 2024
grand format

A paraître le 15 novembre


Cet ouvrage bilingue est la seule édition complète de la poésie de Hölderlin, et dépasse tout ce qui a été produit en France sur l’auteur. 

Au-dessus même de la figure de Goethe, beaucoup regardent aujourd’hui Hölderlin (1770-1843) comme le plus grand poète allemand. Mais la différence est si grande entre ces deux œuvres qui furent contemporaines, que la comparaison n’est guère utile qu’à souligner la force, l’influence et la place acquises peu à peu par Hölderlin : la plus grande.

Il vient au monde en même temps que Bonaparte, Hegel et Beethoven. Les souhaits de sa famille le destinent à devenir pasteur, ce qui le conduit au Stift de Tübingen, où il se lie avec Schelling et Hegel. Une affaire le préoccupe : trouver une parole susceptible d’exprimer la totalité. Ce qui sera un jour la hantise de Mallarmé et le mettra au bord de la folie, est l’obsession de Hölderlin et l’y conduit. S’épuisant en une quête du tout mais qui se donne la déchirure pour présupposition, le poète s’oblige cependant à devenir lui-même la cheville de cette insoluble contradiction dont, comme des traces fragmentaires, tombent des paroles que l’on n’a jamais entendues. Les grands hymnes autant que les œuvres brèves vibrent d’une mystérieuse sérénité au sein de l’écartèlement de cet homme qui, comme s’il était un dieu, s’efforce d’incarner lui-même la suture dont l’univers brisé est incapable. Jamais n’avait ainsi résonné l’âme d’un penseur poétiquement aux prises avec l’impossible formulation absolue de l’Absolu. Creusant cette impossibilité jusqu’à ce que sa personnalité s’effondre, quelques graves crises emportent la lucidité de Hölderlin vers l’âge de 35 ans. Il passe les quarante autres années de sa vie en pension chez un brave homme de Tübingen, dans une petite tour au bord du Neckar. 

S’il n’a pas cessé de faire l’admiration de quelques lecteurs, Hölderlin était encore quasiment inconnu un siècle après sa mort. Il y a à peine une génération, en France, son nom ne disait rien au grand-public cultivé. Puis parut en 2005 l’admirable édition de François Garrigue. Contrairement aux traductions jusqu’alors publiées et qui en prenaient à leur aise, F. Garrigue est attentif aux moindres accents de la rythmique hölderlinienne et à ses plus subtiles intonations. Sous les yeux du texte original, l’œuvre apparaît vraiment pour la première fois. Ce grand livre s’épuisa vite mais ne reparut jamais. Le voici enfin de nouveau. 

Parution : Raymond Schwab, « La Renaissance orientale »

Publication dans « Les Classiques favoris » de La Renaissance orientale, le chef-d’oeuvre de Raymond Schwab. (Belles Lettres, 2024, 464 pages)


Édition conforme au texte original, avec bibliographies et index
Introduction de Thibaut Matrat 

Paru en 1950, le grand livre de Raymond Schwab (1884-1956) est une révolution qui valut la gloire à son auteur. Grand classique, La Renaissance orientale bouleversa la perception que le public se faisait des figures les plus célèbres de l’histoire contemporaine de la littérature et de la philosophie. Étrange affaire : célèbre dans le monde entier, l’ouvrage était introuvable en France. 
Avec élégance, rigueur et douce imperturbabilité, Schwab y montre tout ce que la pensée, la littérature, les sciences et les arts européens doivent à cette redécouverte obstinée des pensées orientales qui commença au XVIIIe siècle. La fascination exercée par l’Orient sur les sciences et les arts en Europe entre le XVIIIe siècle et la fin du XIXe, a dessiné en profondeur les perspectives panthéistes dans lesquelles notre civilisation a voulu définir sa modernité. Alors que la « première Renaissance » redécouvrait au XVIe siècle l’Antiquité gréco-romaine, cette « seconde Renaissance », aux XVIIIe et XIXe siècles, ouvre les structures mentales de l’Europe à l’Orient. Celui-ci est conçu à la fois comme son autre et comme son origine, puis transformé en quelque chose qui va devenir ce qu’est notre monde. C’est la manière dont les sources orientales ont pu donner lieu à une appropriation européenne qui intéresse l’auteur. Dès lors le matériau qu’il inspecte est considérable : citons pêle-mêle et parmi tant d’autres Lamartine, Hugo, Michelet, Baudelaire, Wagner, Goethe, Nietzsche, Shelley, Leconte de Lisle, Emerson, Flaubert… 
Les sources du basculement de toute une civilisation dans la grande accélération moniste est la préoccupation majeure de ce livre. Celui-ci s’est imposé, au fil du temps, comme une éblouissante somme d’histoire des idées tout autant que, de l’aveu même des spécialistes, comme la plus magistrale histoire de l’orientalisme jamais écrite. Lors de sa traduction anglaise il y a quelques années, le Journal of Asian Studies écrivait ainsi de La Renaissance orientale qu’il s’agissait « d’une œuvre extraordinaire », et que « la richesse des détails, la synthèse imaginative des matériaux, la présentation captivante y étaient inégalées en ce domaine ». Dans le New York Times, Bernard Lewis en personne concluait : « Le livre de Schwab apporte un magistral éclairage, enrichissant en profondeur notre compréhension de la tradition intellectuelle et de sa place dans l’évolution du monde occidental. » 
Voici ce chef-d’œuvre à nouveau significativement disponible pour la première fois depuis sa parution. Une belle introduction de Thibaut Matrat fait portrait de l’auteur en sa vie et ses livres. 

Auteur brillant en tous domaines (roman, poésie, philosophie, musique, histoire de l’art), ami des grands artistes de son temps, Raymond Schwab est né dans une famille juive de Lorraine. Il se convertit au catholicisme. Illustre traducteur biblique, nous lui devons les Psaumes de La Bible de JérusalemLa Renaissance orientale est son œuvre testamentaire. Il y observe la façon dont s’est construite, en un énergique culte de l’immanence, la civilisation qui naît au XXe siècle. 

Le Bloc-notes de Maxence Caron : rentrée 2024

Septembre : attendant ses médailles parmi les castagnettes, voici venue la plane masse quantitative des publiés indiscernables. (1)

*

Les grands hommes sont invisibles quand vient le temps de tous les minuscules qui se font dieu. 

*

« La Pléiade » a récemment ajouté à son catalogue un volume sur les poètes de la Pleïade : l’on y retrouve Ronsard, Du Bellay, mais surtout quelques illustres dont les œuvres sont inaccessibles, comme Jodelle et Belleau. L’ouvrage est une anthologie livrée aux mains de Mireille Huchon : sur un tel sujet il y avait mieux à faire, mais Gallimard aime les habitudes. Passons sur ces déclarations et ces choix dont l’agaçant arbitraire ne suffit pas à gâcher la force des œuvres qu’elle annote et préface. Passons même sur les errements de Mme Huchon dans l’imparfait du subjonctif puisque l’existence de celui-ci semble devoir tomber sous le coup de la même abolition que celle de Louise Labé (si certains refusent que Molière ait écrit les œuvres de Molière, d’autres que Shakespeare ait été Shakespeare, c’est l’existence de Louise Labé que dénie de rosier Mme Huchon). En dépit de tous ses efforts, qui sont énormes, l’éditeur ne gâchera pas le prix que nous attachons à la joie de lire son livre ! 
Dans les maisons de masse que la hardiesse a désertée, les ouvrages sont rares dont les auteurs fussent comme ces hommes du XVIe s., néologues emplis d’audace et de style, enracinés dans le grand humanisme chrétien : les poètes de la Pleïade sont le contraire des écrivains mort-nés que publie Gallimard et qu’elle sème vainement par prairies d’ombres entières. Comprenons : ce volume est trop précieux pour que rien puisse l’emporter sur les œuvres qu’il édite. 

*

Le vote, l’escroquerie du scrutin… Cette façon de souligner en d’ivres obscénités combien chacun est à peine assez consistant pour s’élever à l’infinitésimal, avant de ne valoir plus rien… L’on eût finalement moins de mépris pour l’opinion d’un esclave que pour celle de l’individu que l’on assigne ainsi à la flouerie d’être « citoyen ». Car s’il est permis de tout ôter à la liberté en échange de l’hypothétique octroi qu’on lui fait d’elle-même, il faut à la servitude qu’elle sente avoir au moins sa place pour y travailler avec efficacité. 

*

Si chaque homme n’était pas originellement indispensable, si chacun n’était point nécessaire à tous et à soi, alors il n’aurait tout simplement pas l’existence : supposer autrement fût affirmer que Dieu décide en vain et malencontreusement – ce fût supposer qu’il n’est pas Dieu. Dès lors on en apprend long sur ce que désirent ceux qui postulent l’inexistence de Dieu : passionnés par ce qui va à la mort et n’aimant rien d’absolu, ils veulent n’être ontologiquement rien pour se permettre moralement tout. 

Fomminisme, wokisme, etc. Pourquoi est-on si nécessiteux des secours de la loi afin de protéger les êtres qu’enivrent de clamer leur égalité de fait ? Parce que pour ceux qui la manient, cette égalité de fait n’est que le fantasme d’un futur fait d’égalité, que l’asymptote de la loi est censée réaliser dans l’infini. Il y a là une contradiction visible à tous et qui ne peut si solidement tenir que parce qu’elle arrange l’exubérance et les intérêts d’un fanatisme. 

*

Le peuple s’étonnait de ce président de république dont la pluie arrosait chacune des apparitions. Le soleil avait simplement succombé à l’horreur de l’éclairer. 

Maxence Caron

Service Littéraire, n° 184, septembre 2024

(1) NB : Le correcteur du Service Littéraire a introduit deux coquilles dans le texte qu’il a publié : ce désagrément lui arrive souvent, mais ces deux coquilles sont assez spectaculaires pour que nous voulions les signaler. Le texte est ici rendu à son intégrité.

Le Bloc-notes de Maxence (été 2024)

Les acteurs : l’illettrisme et la barbarie me stupéfient toujours de ces petits-bourgeois meringués.  

*

« Nous avons payé l’arbitre pour qu’il te déclare vainqueur. Nous avons payé ton adversaire pour qu’il te laisse gagner. Le reste dépend de toi. » Pourquoi cette phrase de Groucho Marx me fait-elle tant penser aux dernières élections présidentielles… 

*

Simone Weil, 1943 : « Les civilisations privées de beauté tombent dans le malheur par un mécanisme interne. » Rêvé-je ou y aurait-il une situation brûlante qu’une telle sentence écrasât d’illustration ?

*

Je suis chrétien pour vivre du rire dont éclate par-dessus toute chose la joie des tempêtes, et non pour grincer d’amertume dans le ricanement étudié des silènes.

*

Les causes des bouleversements climatiques ont été expliquées par Dieu à Osée il y a trois mille ans : « Le Seigneur est en procès avec les habitants de la terre : il n’y a plus ni amour, ni connaissance de Dieu, mais mensonge, assassinat et vol. Voilà pourquoi le monde dépérit, jusqu’aux bêtes des champs et aux oiseaux du ciel ; même les poissons de la mer disparaîtront. » Qu’à l’explication de Dieu certains préfèrent les arguties de Sandrine Rousseau, cela me passe. Leur est-elle plus grande que l’Absolu ? 

*

La chrétienne des champs, c’est, parfois, l’épouse d’un bourgeois qui invite le curé à déjeuner. Mais la chrétienne des villes, c’est toujours un laideron mal habillé qui médit de saint Paul. Certains zoos les exposent ; parmi les plus célèbres figure l’Institut « catholique » de Paris. 

*

Pourquoi s’étonner qu’un journaliste de France-Inter insulte le Premier Ministre israélien en en disant qu’il est « un nazi sans prépuce » ? Un gauchiste antisémite, ce n’est qu’un païen sans incohérence. 

*

Terre des Juifs qui fut reprise aux mahométans par la Chrétienté, ou reconquise sur l’anomie par les coloniaux, la « Palestine libre » n’a jamais existé. Les mots de « Palestine libre » n’ont aucun sens : ils sont la revendication d’un songe si industrieux que seul l’aveuglement pervers est en mesure de s’y retrouver. Aussi n’est-ce point hasard que les ennemis d’Israël soient systématiquement la crème du paganisme. Au regard des promesses de la déclaration Balfour et de la situation impensable à laquelle après 1945 l’Occident abandonna les survivants du plus ancien peuple du monde dont sa propre civilisation provient, il faut bien comprendre que refuser aux Juifs le droit d’avoir un État sur la terre, et sur le sol où depuis toujours ils se trouvent, est un acte radicalement antisémite. Agréger la mesquinerie du monde pour dénier aux Juifs leur droit, ce n’est pas seulement une faute, c’est un crime ontologique. Nier le droit du peuple qui naît dans la divine origine de sa relation à la Transcendance ; ne point recevoir le seul peuple de la terre dont, parallèlement à l’Église, l’identité perdure miraculeusement par-dessus l’histoire ; refuser le peuple dont, bien plus que chez les Grecs, la conscience est née dans l’universalité – tel est le péril auquel une civilisation néopaïenne expose mes frères juifs.

Maxence Caron

Service Littéraire, n° 183, juillet-août 2024

Parution des « Immédiates », nouvelle oeuvre de Maxence Caron

Maxence Caron vient de publier dans La Cinquième Saison le recueil de pensées et d’aphorismes : Immédiates, I. La Cinquième Saison est la revue des Editions de l’Aire, l’un des grands éditeurs historiques de littérature que compte la Suisse.

Cet ouvrage sera suivi de Immédiates, II, à l’automne dans la même revue.

Il est prévu que les Immédiates III puis IV paraissent ensuite au printemps et à l’automne de 2025.

Pour lire Immédiates, I, vous pouvez vous procurer le numéro 24 de La Cinquième Saison, ou vous abonner à la revue.