Le Bloc-notes de Maxence dans le « Service Littéraire » (avril 2024)

Bloc-notes de Maxence Caron paru dans le numéro 180 du Service Littéraire

La peinture est l’effort auquel est soumise la matière pour devenir lumière. Et les couleurs sont les différents chemins et les différents moyens que cet effort emprunte.

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Pendant que je subissais de devoir gésir chez Grasset où avait lieu un grotesque cocktail et où gloussaient quelques êtres télévisibles, socialistes, fats et salissants, me revint cette pensée de Delacroix : « Ces philanthropes de profession sont tous gras et bien nourris. Ils vivent tout heureux du bien qu’ils sont chargés de répandre. » (Journal, juin 1854) 

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« Il ne faut pas augmenter les jours de fête pour le peuple, il s’en acquitte mal. » C’est ce que l’on peut lire dans la sublime Josephina de Gerson (au Ve livre, v. 1394). Si l’on ne prend garde au diagnostic de Gerson, arrive ce jour où celui de Muray se constate, qui décrit « la fête » comme autocélébration de la destruction. Afin de s’en mieux convaincre, qu’on se réjouisse ici de la ductilité des choses puisque ces auteurs sont tous deux publiés aux Belles Lettres. 

La magnifique édition de Gerson est parue en 2019. Cependant pas un seul des « humanistes » califourchonnant l’échine de notre temps n’a su ne fût-ce qu’en évoquer la publication capitale. Comprenons-les ! Ils sont si pressés de nous parler de Gide, Beauvoir, Exupéry, Paulhan, Proust et Vian, ou même, après avoir achevé leur tournée des exorables, de raconter le destin de tel défunt voisin de palier dont ils se flattent d’avoir recueilli, en bande d’amitié organisée, l’humble « génie » silencieux… Ainsi font. Car un articlier pisseux journaligaud n’aime que les auteurs à côté de qui il est aisé de rester ce qu’on est, de demeurer tout petit saligaud modeste. La masse encriarde ne se conjouit qu’à côté de qui il est aisé de se grandir. 

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Tous les maux de ce siècle, toutes ses errances et aberrations ont pour origine cette cause aux conséquences radicalement destructrices : les hommes ont condamné Dieu pour assurer leur droit. Numquid condemnabis me, ut tu justificeris ? (Job 40, 3) Et dire que de surnaturels imbéciles courent toujours qui sont à la recherche de « solutions politiques »… À la « république » qui occupe la France, à la gentaille de ses mythographes, à la nécrogène smala de ses zélateurs, à l’anthracite plancton de ses spectateurs – nous demandons avec le prophète Jérémie : « Où sont-ils les dieux que tu t’es fabriqués ? Qu’ils se lèvent donc s’ils peuvent te sauver ! » (Jr 2, 28) Et quel silence… 

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Par le gracieux effet de tous ces spectres modernes qui s’accouplent sans générosité puis unissent la nullité de leurs sentiments fantomatiques, l’amour, qui était naguère vécu à deux, brille aujourd’hui sous l’astre égalitaire, et le voilà partagé en deux. 

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Dieu est ineffable, absolument différent, et sublime : Dieu est Celui que l’on ne saurait dire et que cependant l’on ne peut taire. C’est juste assez pour enflammer la joie de ses enfants et nourrir le cauchemar des apostats – pour exciter la sainteté des élus et abandonner les réprouvés à leur damnation.

Une autobiographie de Maxence Caron

Au terme de son Bloc-notes du mystique à l’état sauvage, pour la première fois Maxence Caron a publié une autobiographie, sous le titre Les Lacunaires. Un texte important de la part d’un écrivain qui vit caché et demeure particulièrement discret sur lui-même.

Nous pouvons lire ce texte ici.

Louis Chardon : une nouvelle édition inespérée

Le grand ouvrage de Louis Chardon, La Croix de Jésus, chef-d’oeuvre de la littérature mystique et philosophique, bénéficie d’une nouvelle édition aux Belles Lettres, dans la collection des « Classiques favoris ». Ce grand livre était introuvable depuis des années.

On peut lire en ligne un extrait et y découvrir le détail de la riche table des matières développées par l’auteur.

4e de couverture :

Louis Chardon (1595-1651) est l’un des plus grands écrivains de la littérature. Exact contemporain de Descartes, il est également l’un des grands philosophes de son siècle. Purement accidentelle, sa rareté provient de la désinvolture avec laquelle le négligèrent les clercs qui avaient la charge de son oeuvre.

Entré à 23 ans chez les Dominicains, à Paris, Chardon traduisit sainte Catherine de Sienne, que la splendeur de son style eut le haut mérite de faire connaître en France. Homme de piété et de silence, il devint malgré lui le confesseur des personnalités les plus illustres. En 1647 paraissait son chef-d’oeuvre, La Croix de Jésus, dont le retentissement fut considérable. Le style en est si puissamment incomparable que l’on a pu dire qu’il était plein d’une vibration où la chair et le sang résonnent.

Penseur magistral, l’intelligence majestueuse de Louis Chardon, son âme saine et sereine, son coeur heureux et noble, font de ce génie une abondante et resplendissante nature que rien ne menace jamais de rétrécir. Il est le type même de l’humaniste de grande allure. Un but : l’explication des épreuves de la condition humaine. Avec une robustesse protectrice et une élégance monumentale, Chardon plonge au plus noir des ténèbres intérieures et les dissipe lumineusement. Il marche sur les eaux.

C’est un fait constant que l’âme humaine, pendant toute sa vie, se trouve dans la conviction exprimée par le Christ mourant sur la Croix : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Mais Dieu ne saurait abandonner une créature telle que l’homme, dont l’existence se tisse de n’aspirer qu’à son éternité. L’humanité vit ainsi dans la certitude d’un abandon, mais qui est impossible ; et elle répand un désespoir inutile, qui est l’intime prétexte des pires crimes. Les hommes s’agitent et ne regardent pas l’unité qui fonde avec science le paradoxe de leur condition. En vertu du préjugé selon quoi leurs opinions ne sont pas des préjugés, ils préjugent de ne pas rechercher cette unité fondamentale dont la Croix de Jésus est le principe existentiel. C’est là que Chardon commence. Par-delà les croyances, il engage une méthode objective : de cette unité de la Croix qu’appellent les faits, dire la joie d’une heureuse philosophie.

C’est ce que dix ans plus tard Pascal essaiera. Chardon écrit un livre que Pascal aurait voulu achever lui-même. Cette oeuvre d’une force comparable à celle de saint Jean de la Croix, ce « sublime poème digne de Platon » (A. Brémond) nous le rendons une fois pour toutes au bonheur des lecteurs.

Le texte de notre édition est celui, définitif, établi par François Florand. L’ouvrage est brillamment présenté par Romain Debluë, docteur en philosophie (universités de Paris-Sorbonne et de Fribourg), spécialiste de saint Thomas d’Aquin et de littérature religieuse, et dont l’importante oeuvre de romancier a récemment marqué les esprits. Jusqu’ici n’existait sur l’auteur de La Croix de Jésus que le désormais centenaire défrichage jadis opéré par le P. Florand. L’introduction que R. Debluë donne à cette nouvelle édition est un édifice à soi seul, et constitue le premier grand texte jamais écrit sur Chardon.

Le Bloc-notes du « Service Littéraire » (février 2024)

Bloc-notes de Maxence Caron paru dans le numéro 178 du Service Littéraire (février 2024)

L’élyséenne stratégie du Pdt. Maquereau pour 2027 n’a pas encore fait l’objet d’une analyse lucide. Les choses sont pourtant claires aux yeux du non-rééligible aigrefin. Lorsqu’il aura tout accompli pour abaisser sa fonction au caniveau et se rendre imbuvable à son peuple, ce à quoi s’emploie et se surpasse la bassesse de son naturel, lorsqu’il aura provoqué cette victoire électorale des héritiers du fascisme, qu’il prévoit et prépare, alors, en un instant, les « insoumis » de la gauche totalitaire lanceront leurs milices contre le parti tout juste élu ; ils ont en effet ce marxiste espoir que naisse une conscience de classe et que les communautés allogènes les rejoignent afin de leur offrir la prise du pouvoir. Cette atmosphère de coup d’État qu’espère la gauche de gauche, commencera à l’annonce des résultats du scrutin, alors même que l’ancien mandat est actif et que la passation de pouvoir est lointaine. La Présidence de la République n’aura donc plus qu’à invoquer « l’intérêt supérieur de la nation » pour que l’article 16 de la Constitution apparaisse comme un moindre mal, et que soient ainsi votés les pleins pouvoirs au sortant. Parmi les soupirs de soulagement et le plus légalement du monde, voici finalement désigné dictateur extraordinaire celui même qui n’avait plus droit à l’exercice de l’autorité. 
La situation de tension entre les deux extrémités de « la droite » et de « la gauche » étant installée pour longtemps par la tyrannie centriste même qu’est devenu l’État occidental, il n’existera jamais aucun motif suffisant pour que les institutions entendent dispenser le pays de la nécessité d’une tyrannie. Au peuple on dira que c’est pour son bien et pour le salut de la république : « Lorsqu’un mauvais coup se mijote, il y a toujours une république à sauver », explique Le Président de Simenon joué par Gabin. 
C’est beau comme un mois de juillet 1940, et ce ne sera qu’un mois de mai 2027. L’humanité a-t-elle entre-temps appris quelque chose ? Non. Mais moi j’ai appris ceci : à quoi bon laisser aux peuples le vote s’ils n’en usent qu’à élire des dictateurs afin d’être protégés des despotes. 

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Scène de la vie romancière : « C’était la nuit. Avant de se travailler à gicler sa cendre dans un ventre rempli d’ovules morts, sur les bords de Seine le gentil Boucleglabre promenait l’irrésistible Porcella. » 
Quand les effondrés se servent de la pudeur c’est pour mieux dissimuler l’obscénité. 

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L’homme nomma « progrès » de commander à la matière, mais il ne prit pas garde de s’y obnubiler.

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« Ils l’attachèrent avec une double chaîne d’airain, et il tournait la meule dans la prison. » (Jg 16, 21) Cette charmante allégorie du couple gynocrate est l’état où fut décrit Samson après qu’il eut cédé à Dalila. La Bible est le livre de tant de prophéties… C’est le livre de l’année et des suivantes. Curieusement, l’auteur n’a jamais gagné aucun prix. Et l’on crucifia son Verbe. 
J’en sais combien dont le verbe est si accommodant qu’ils sont, pour ainsi dire, incrucifiablement lisibles. Oh ! ils sont aimés, ces tout lisses culs ! On leur dit du bien d’eux, ils ont une place dans le cœur des majorités, ils soignent leurs relations. « En vérité je vous le dis : ils ont leur récompense. » (Mt 6, 2) 

Maxence Caron