Bloc-notes de Maxence Caron, mars 2025

Actualité littéraire? Certes, et parlons franc. Quoi de neuf ? Nonnos. Oui : Nonnos de Panopolis. Personne ne l’a lu puisqu’il faut perdre son temps à tripoter dans ces sortes d’argiles aux pieds bruyants et qui ont nom Zola, Gide ou Jules Verne. Toutefois, quelques pauvres gens d’exécrable goût et d’intelligence incertaine, ont lu Nonnos et ce ne sont à peu près que tous les auteurs de la Renaissance, puis leurs successeurs. Ils le placent en toute simplicité au sommet de la littérature universelle. Son influence est antérieurement visible sur les œuvres maîtresses d’un Boccace ; et elle devient nettement dominante chez Milton : encore des noms dont nous savons qu’ils ne pèsent rien au regard de ce dont il est conseillé de conseiller la lecture au chaland !

Ainsi, au Ve siècle, refermant l’Antiquité ou inaugurant le Moyen Âge, Nonnos se fait auteur de deux poèmes magistraux. Le premier, les Dionysiaques, en une langue dûment ivre d’inventivité, raconte la vie même de Dionysos, dont le poète fait un sauveur d’humanité en péril. Et le second, tout juste paru aux Belles Lettres, est la Paraphrase de l’Évangile selon Jean. À tout esprit pesant, ce grand poème catholique semble d’emblée prendre l’inverse direction des Dionysiaques, quand il apporte au contraire la ressource de leur langue grisante à l’immense ivresse préalable dont l’inouï de la parole biblique bouleverse les grammaires antiques. S’il est vrai que la langue, le logos, est notre seule patrie, voici ce qu’en écrit Nonnos en relisant le Prologue de saint Jean : « Intemporel, inaccessible, à l’ineffable commencement était le Verbe (Logos) ; et le Verbe lumière de Dieu né de lui-même, lumière née de la lumière, du Père était indivisible, siégeant avec lui sur un trône qui n’a pas de fin ; et engendré d’en haut le Verbe était Dieu. » L’auteur chrétien de cette majestueuse paraphrase peut-il être également l’homme des Dionysiaques ? En vérité, on ne peut en être l’auteur qu’à cette condition ! Et telle question n’agite que les culs mal bénis à qui paraissent pertinents les lacis dont les labyrinthes conduisent à cette conclusion qu’excréta le quaker Nietzsche avant de sombrer officiellement dans la folie : « Dionysos contre le Crucifié. » Dionysos contre le Christ ? Eh bien non, encore rathée. Ce seront les Dionysiaques avec saint Jean, l’unité catholique et hiérarchisée dont Hölderlin fit un grand hymne, Patmos, et dont les premiers mots affirment que « Dieu est proche et difficile à saisir ». La grandeur s’est construite avec Nonnos et sans Nietzsche. Elle ne fut cachée à personne – sauf aujourd’hui à tous, puisque abjurant la vérité chrétienne et méprisant les langues latine, hébraïque et grecque dont nous sommes, l’on nous somme de lire Aragon, Gide et Jules Verne qui jamais rien ne trouvèrent, pas même le centre de la terre… 

C’est donc Nonnos ou pas de civilisation. Et il faudrait que cessassent à présent de pleurer sur la mort de l’humanité ceux qui refusent de faire les leurs, car du fond fièrement proféré de leur nullité lectorale, ils mettent exactement en œuvre l’extinction qu’ils déplorent. Tel individu qui, tout en excitant le détriment des fondations, gémit ainsi sur sa petite France perdue dans la prairie ou sur le grand Occident occis, est un tartuffe que pétrit une fort dégoûtante farine. Et combien pourtant sont-ils ceux qui prodiguent leurs conseils alphabétiques en s’abîmant activement dans le néant littéraire… S’il n’est qu’une patrie, le Logos, que penser de la santé rationnelle de ceux qui prêchent de littérature en ignorant délibérément la catholicité de la pensée, en délaissant la communion pontificale, en ignorant la flamboyante relation que portent à leur objet les mots hébreux, en fuyant la force syntaxique des vers latins et la beauté liturgique des paroles grecques ? La conséquence en est connue : elle est notre époque. Voici, pour finir, le symbole du remède, et gageons qu’à ces insensés il semblera aussi dérisoire que leur souvenir l’est à l’histoire : le jour où il sera inutile d’apprendre à quiconque l’existence et l’unité des deux grands poèmes de Nonnos de Panopolis, c’est que le changement du monde aura retrouvé face. 

Maxence Caron

Service Littéraire, n° 190, mars 2025

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Voir sur le site de l’éditeur : Nonnos de Panopolis, Paraphrase de l’Evangile de saint Jean, Belles Lettres, 2025

L’humanisme intégral, ou le discours de l’Eglise sur les autres religions

Extrait du Concile Vatican II

« Quant à ceux qui n’ont pas encore reçu l’Évangile, eux aussi sont ordonnés de diverses manières au peuple de Dieu. Et en premier lieu, ce peuple qui a reçu les alliances et les promesses, et dont le Christ est issu selon la chair (Rm 9,4-5), peuple très aimé du point de vue de l’élection, « à cause de leurs pères, car les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » (Rm 11,28-29). Mais le dessein de salut embrasse aussi ceux qui reconnaissent le Créateur, en premier lieu les musulmans qui, professant avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, qui jugera les hommes au dernier jour.

      Quant aux autres qui cherchent le Dieu inconnu à travers des ombres et des images, Dieu n’est pas loin d’hommes de cette sorte, puisque c’est lui qui donne à tous vie, souffle et toutes choses (Ac 17,25-28) et que, comme Sauveur, il veut que tous les hommes soient sauvés (1Tm 2,4). En effet, ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l’Évangile du Christ et son Église et cherchent cependant Dieu d’un cœur sincère et s’efforcent, sous l’influence de sa grâce, d’accomplir dans leurs actions sa volonté telle qu’ils la connaissent par ce que leur dicte leur conscience, eux aussi peuvent arriver au salut éternel. La Providence divine ne refuse pas les secours nécessaires pour le salut à ceux qui, sans faute de leur part, ne sont pas encore parvenus à une connaissance explicite de Dieu, mais cherchent, non sans le secours de la grâce divine, à mener une vie droite. En effet, tout ce qui se trouve de bon et de vrai chez eux est considéré par l’Église comme une préparation à l’Évangile et comme un don de Celui qui illumine tout homme pour qu’il ait finalement la vie. »

Constitution dogmatique « Lumen gentium », §16

« Que les hommes se taisent de nous… »

« Chrétiens, ne savez-vous pas que Jésus-Christ est encore caché ? Il souffre qu’on blasphème tous les jours son nom, et qu’on se moque de son Evangile, parce que l’heure de sa grande gloire n’est pas arrivée. Il est caché avec son Père, et nous sommes cachés en Dieu avec lui, comme parle le divin Apôtre.
Puisque nous sommes cachés avec lui, ce n’est pas en ce lieu d’exil que nous devons rechercher la gloire; mais quand Jésus se montrera en sa majesté, ce sera alors le temps de paraître.
Ô Dieu qu’il fera beau paraître en ce jour où Jésus nous louera devant ses saints anges, à la face de tout l’univers et devant son Père céleste ! Quelle nuit, quelle obscurité assez longue pourra nous mériter cette gloire ? Que les hommes se taisent de nous éternellement, pourvu que Jésus-Christ en parle en ce jour. »

BOSSUET
Premier Panégyrique de saint Joseph

« Traité du Purgatoire », de sainte Catherine de Gênes

Table des matières

Comment, par comparaison avec le feu divin qu’elle ressentait au-dedans d’elle-même, elle comprenait ce qu’était le purgatoire, et comment les âmes s’y trouvent contentes et souffrantes
  
1. Parfaite conformité des âmes du purgatoire à la volonté de Dieu
  
2. Joie des âmes du purgatoire Leur croissante vision de Dieu,  la raison de la rouille
  
3. Souffrance des âmes du purgatoire, la séparation d’avec Dieu est leur plus grande peine
  
4. Différence entre les damnés et les âmes du purgatoire
 
5. Dieu montre sa bonté même envers les damnés
  
6. Purifiées du péché, c’est avec joie que les âmes du purgatoire s’acquittent de leurs peines
 
7. De quel violent amour les âmes du purgatoire aspirent à jouir de Dieu
Exemple du pain et de l’affamé
  
8. L’enfer et le purgatoire font connaître l’admirable sagesse de Dieu
  
9. Nécessité du purgatoire

10. Comme le purgatoire est chose terrible

11. L’amour de Dieu qui attire les âmes saintes et l’empêchement qu’elles trouvent dans le péché sont les causes des tourments du purgatoire

12. Comment Dieu purifie les âmes Exemple de l’or dans le creuset

13. Les âmes ont un désir ardent de se transformer en Dieu
Sagesse de Dieu qui leur tient cachées leurs imperfections

14. Joie et douleur de l’âme du purgatoire

15. Les âmes du purgatoire sont hors d’état de pouvoir mériter encore
Comment leur volonté est disposée à l’égard des bonnes oeuvres offertes ici-bas en suffrage pour elles

16. Ces âmes veulent être pleinement purifiées

17. Exhortationse et reproches aux vivants

18. Au purgatoire, les âmes souffrent volontiers et dans la joie

19. La sainte conclut son exposé sur les âmes du purgatoire en leur attribuant ce qu’elle ressent dans son âme

Comment, par comparaison avec le feu divin qu’elle ressentait au-dedans d’elle-même, elle comprenait ce qu’était le purgatoire, et comment les âmes s’y trouvent contentes et souffrantes

Cette sainte âme encore dans sa chair se trouva établie dans le purgatoire du brûlant amour de Dieu. Il la brûlait toute et la purifiait de ce qu’elle avait à purifier, de façon qu’au sortir de cette vie elle pût être présentée au regard de Dieu son doux amour.

Par le moyen de ce brûlant amour, elle comprenait en elle-même dans quel état se trouvent au purgatoire les âmes des fidèles pour purifier toute espèce de rouille et de tache du péché non encore effacée durant cette vie.

Elle-mêrne, établie au purgatoire du feu divin d’amour, se tenait unie à son divin amour, satisfaite de tout ce qu’il opérait en elle; comprenant qu’il en était ainsi des âmes qui sont au purgatoire, elle disait:

1. Parfaite conformité des âmes du purgatoire à la volonté de Dieu

Les âmes qui sont au purgatoire, à ce que je crois comprendre, ne peuvent avoir d’autre choix que d’être en ce lieu puisque telle est la volonté de Dieu qui dans sa justice l’a ainsi décidé. Elles ne peuvent pas davantage se retourner sur elles-mêmes. Elles ne peuvent dire: j’ai fait tels péchés et c’est à cause d’eux que je mérite de me trouver ici. Il ne leur est pas possible de dire: je voudrais ne pas avoir fait tels péchés, parce qu’ainsi j’irais tout de suite en paradis. Pas davantage: celui-ci sortira d’ici avant moi. Ni dire: « j’en sortirai avant lui. »

Elles sont incapables d’avoir ni d’elles-mêmes ni des autres aucun souvenir, ni en bien ni en mal, qui puisse augmenter leur souffrance. Elles ont, au contraire, un tel contentement d’être établies dans la condition voulue par Dieu et que Dieu accomplisse en elles tout ce qu’il veut, comme il le veut, qu’elles ne peuvent penser à elles-mêmes ni en ressentir quelque accroissement de peine.
Elles ne voient qu’une chose, la bonté divine qui travaille en elles, cette miséricorde qui s’excerce sur l’homme pour le ramener à Dieu. En conséquence, ni bien ni mal qui leur arrive à elles-mêmes ne peut attirer leur regard. Si ces âmes pouvaient en prendre conscience, elles ne seraient plus dans la pure charité.
Elles ne peuvent non plus considérer qu’elles sont dans ces peines à cause de leurs péchés, cette idée , n’entre pas dans leur esprit. Ce serait en effet, une imperfection en acte, chose qui ne peut exister en ce lieu où il est impossible de commettre un péché. Pourquoi elles sont en purgatoire, cette cause qui est en elles, il ne leur est donné de la voir qu’une seule fois, au moment qu’elles sortent de cette vie, et dans la suite ne la voient plus jamais. Autrement, ce regard serait un retour sur soi.

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« La littérature dans la formation du chrétien », par le Pape François

17 juillet 2024
LETTRE DU PAPE FRANÇOIS
SUR LE RÔLE DE LA LITTÉRATURE DANS LA FORMATION

1. J’avais initialement écrit un titre se référant à la formation sacerdotale, mais j’ai ensuite pensé que, de la même manière, ces choses peuvent être dites à propos de la formation de tous les agents pastoraux, comme de n’importe quel chrétien. Je veux parler de l’importance de la lecture de romans et de poèmes dans le parcours de maturation personnelle.

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