Publication dans L’Atelier du Roman de la 2e et dernière partie de l’étude que Maxence Caron a consacrée à Beckett : Beckett prophète taciturne.
Argument
« ‘J’ai toujours été à l’affût d’un ailleurs’, écrit Beckett en février 1954. Regarder Beckett à la lumière de la réalité de ses propos récurrents et non du phantasme que la facilité dicte au réflexe idéologue, regarder Beckett à la lumière de la religiosité de l’Ailleurs et du sens renaissant de son dépouillement stylistique, regarder Beckett dans la vérité qu’il accorde à cette ontologie prophétique où s’inscrit le fameux motif de l’attente et qui est l’attente d’une parousie verbale dont la venue bouleversera la littérature, regarder Beckett comme celui qui sait que ses propres textes sont la préparation ascétique d’une ère de gloire verbale dont ses pages propédeutiques sont exclues : voilà qui rend à sa vérité un auteur particulièrement maltraité par la non-pensée unique.
S’identifiant à Isaïe ou saint Paul, Beckett affirme la venue d’une renaissance qu’il ne verra pas mais dont ses textes sont la préparation en un dépouillement navré mais désireux d’ouvrir l’espace. Trop pressé de classer l’auteur de Godot à la rubrique des alliés de leur bêtise chérie, comme si un grand auteur pouvait penser comme eux, les officiels, tous pays confondus, n’ont jamais essayé de penser la paradoxale richesse d’une ascèse au chevet de qui se trouvait le « Dante ». Ils ont voulu absurdement se convaincre qu’il était un écrivain de « l’absurde », autrement dit se donner la mesquine joie de s’en faire une « figure générationnelle ». Ce fut un gâchis de soixante ans, auquel je mets fin dans Beckett prophète taciturne. »
Maxence Caron
Note : Beckett prophète taciturne est publié en deux parties dans L’Atelier du Roman que dirige Lakis Proguidis, juin et septembre 2016, Flammarion.