Talleyrand dans les « Classiques favoris »

Parution aux Belles Lettres, début mai, de la monumentale biographie de Talleyrand de G. Lacour-Gayet, en son édition ultime avec restitution de toutes les références, index et bibliographies, livre grand format, couverture à rabats, 970 pages.

On peut lire ici un extrait.

Présentation :

« Je n’ai conspiré dans ma vie qu’aux époques où j’avais la majorité de la France pour complice et où je cherchais avec elle le salut de la patrie. » C’est en ce trait que Talleyrand résume l’état d’esprit d’où proviennent les hauts paradoxes de son action et la prodigieuse longévité de sa présence au pouvoir.

Né à Paris en 1754 dans l’une des plus anciennes familles de la noblesse française, Talleyrand meurt en 1838 à 84 ans. Il est le seul homme à avoir occupé des fonctions majeures et toujours plus prestigieuses au sein de tous les gouvernements qui, de la Couronne de France à la Monarchie de Juillet en passant par la Constituante et l’Empire, se sont confusément succédé. Lui seul sut dominer les événements de cette période si bouleversée de l’Histoire. Ses ennemis n’y virent qu’un traître accélérant les destitutions afin d’en faire son miel : qu’il ait été aussi ambitieux que ceux qui lui firent le reproche de les frustrer de leurs ambitions ne saurait guère suffire à éclairer une si exceptionnelle destinée. « Je n’ai jamais donné un conseil pervers à un gouvernement ou à un prince, mais je ne m’écroule pas avec eux », confiait le prince de Talleyrand, bien décidé à « ne pas se mêler de choses qu’il désapprouverait », car « un gouvernement qu’on soutient est un gouvernement qui tombe… ».

Que ce soit vis-à-vis du Directoire et en faveur de Bonaparte, ou vis-à-vis de Napoléon et en faveur de Louis XVIII, Talleyrand n’a jamais abandonné quiconque qui ne se fût d’abord abandonné lui-même. Lorsque tout s’effondre en un flot de catastrophes suscitées par les idéologies, alors, en prince d’Ancien Régime et en magnifique lecteur de Saint‑Simon, Talleyrand se fait une règle de demeurer altier et froid afin que dans l’émotion se découvre un point de stabilité qui fasse souvenir de la France. Pour tenir contre l’idéologie cette position universelle, Talleyrand dresse un mur autour de sa vie intérieure, qu’il cultive en silence, car « la vie intérieure seule peut remplacer toutes les chimères ». Et de son pas boiteux, cet homme affligé d’un pied-bot marche droit son chemin dans un monde branlant. Énigmatique et franc, son sens prophétique édifia les traités internationaux qui donneront à l’Europe du XXe siècle le socle de sa possible pacification et de sa défense collective contre les totalitarismes. On le jugea sur les apparences : l’évêque apostat, l’aristocrate opportuniste, le politique dépravé…

Il y a bien plus à comprendre en cette figure qu’ont admirée Lamartine, Balzac et Goethe. Et il y a tant à apprendre de cet homme qui, concentrant comme Tocqueville la réalité d’un millénaire de Royauté, parvint à lire le sens de son temps et à trouver les remèdes qu’exigeait l’éruption de chaque nouvelle maladie.

Sur Talleyrand l’on a beaucoup écrit. Mais la biographie de référence, la plus vivante, la plus complète, que sa beauté élève au rang d’oeuvre, reste celle de Lacour-Gayet. Elle peint avec génie la vie de l’un des plus brillants hommes politiques que le monde ait connu, qui fut aussi l’un des grands mémorialistes de la littérature. Le livre était épuisé, et les exemplaires qu’on en glanait étaient souvent privés de leurs références. Voici, entière et sans lacunes, l’édition définitive de cette oeuvre classique.

Voir la table des matières et tout autre détail sur le site des Belles Lettres

« L’un des plus grands écrivains américains a enfin sa biographie »

Article d’Anne-Marie Mitchell paru le 7 octobre 2023 dans La Marseillaise


Extrait :


« Si tu n’acceptes pas le passé et son fardeau, il n’y a pas de futur, car l’un ne saurait exister sans l’autre.» Ainsi parlait le multiprimé Robert Penn Warren (1905-1989). Enfin traduite en français, sa biographie est une mine de renseignements qui passionnera non seulement les lecteurs dévorés par la curiosité intellectuelle, mais surtout les étudiants qui auraient à plancher sur l’œuvre de l’un des plus grands écrivains américains du vingtième siècle. Qui remercier ? L’éditeur qui a fait le bon choix ? Thibaut Matrat, le talentueux traducteur ? Maxence Caron, l’excellent préfacier, né, ce qui ne gâche rien, à Marseille ? Warren, que nous avons chroniqué lors de la sortie de son prodigieux Au nom des Noirs ? Le biographe Joseph Blotner (1923-2012), spécialiste de Faulkner, dont le Sud (qu’il se plut à inventer, tel Giono qui créa sa Provence) devient plus réaliste sous la plume de Warren.

Un must-read factuel, autrement dit une lecture fortement recommandée.

Le premier ouvrage en français sur Robert Penn Warren

Il n’existait à ce jour aucun travail d’ampleur sur Robert Penn Warren autrement qu’en anglais, et il n’existait aucun ouvrage francophone sur l’auteur des Fous du roi. On mesurera donc l’importance de la publication en français de la biographie de référence américaine de Joseph Blotner :

Joseph Blotner, Robert Penn Warren : une biographie, traduction de Thibaut Matrat, préface de Maxence Caron, 900 pages, Séguier / Perrin, en librairie le 28 septembre 2023.