Dissoudre, dissiper… : la macroéconomie française en 2 ou 3 aphorismes

9 juin 2024
Avoir dissout si lamentablement l’Assemblée suffit à prouver que le responsable d’un tel caprice est indigne de toute responsabilité collective. 

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Une dissolution de l‘Assemblée nationale… : voilà qui est cher payer la galanterie que veulent s’offrir derrière le masque d’une cohabitation deux coquets dont les marâtres s’opposent. Au XXIe siècle, on devrait pouvoir s’aimer au-dessus des partis, et faire librement sa transition de gendre. L’honneur de la dépravation fût de préférer à la dissolution de l‘Assemblée la dissipation des Chambres. 

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En hommage au « mois des fiertés »
Quel auteur fantastique eût conçu qu’un jour les ligues de vertu devinssent des milices sodomites… (Mon maître Marc Fumaroli les appelait « le Syndicat ».) Quel conteur de l’extrême eût osé imaginer que les donneurs de leçons se muassent en mili-tantes, et que le parti de l’ordre bâillonnât la liberté au nom de l’anu.
L’anuversité des corps en saignant se cultive. 

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Au cours de son histoire moderne, le peuple de France ne connut jamais d’« Union sacrée » qu’en août 1914 (et ce fut la « trêve des partis ») — quand, voyant l’ennemi surgir de rien que l’on pût raisonnablement justifier, il se sentit  gratuitement agressé par ce jaunâtre Irmensul allemand qui lui déclarait la guerre. Confronté à la scélératesse dénaturée des striges teutonnes, ce qui restait de la nation franque s’entendit quelques instants et pour une fois : ce fut la seule, et ce fut la dernière. 
Mais un siècle plus tard — et c’est aujourd’hui — un narcissique nain frappé d’autant de méontophilie que d’ignorance capitale, un thanatomorphe poulpiquet à qui manque d’avoir été à peu près civilisé, s’essaie sans la moindre intelligence à tramer le fatras : il ourdit la confusion générale dans le très-sérieux espoir de constituer l’union sacrée autour de lui, qui n’est rien. Ce que l’Occupation même n’a pas su faire naître, il se croit de le pouvoir en se contentant d’exhiber sa pauvre imbécillité souriante. Perdu dans sa jungle ombilicale, il se figure que susciter le désordre sera la chiquenaude qui suffira à créer désir de sa personne. 
Bas les mains, que personne ne vote ! Tout cela est sale. 
Lorsque les hontes sont bues, les solutions sont dissoutes.

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« Un homme serait complètement esclave si tous ses gestes procédaient d’une autre source que sa pensée, à savoir ou bien les réactions irraisonnées du corps, ou bien la pensée d’autrui. » (Simone Weil, 1934) 
C’est exactement à ce multitudinaire format d’énergumène que l’on donne suffrage d’aller réélire ses maîtres : plongés dans l’ignorance de tout, haïssant la transcendance, ils ne se sentent plus la moindre conscience, mais ils se sentent un devoir d’aller voter. 

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Quand un homme est médiocre, il a beau s’évertuer à mal faire, s’appliquer à être mauvais, tâcher au nullissime, l’on verra tout de même qu’il est médiocre. C’est ce qui rend l’art contemporain aussi incompétent à élever la voie grégaire au rang de rédemption pour les impuissants. 

Maxence Caron

Le Bloc-notes de Maxence (juin 2024)

La Journaliste, par Otto Dix

Si tu veux être heureux, commence par l’être.

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Irréfutable preuve de la supériorité féminine : depuis que l’homme est devenu une femme comme les autres, les femmes intelligentes ont disparu. 

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La presse se fabrique un pandémonium prétendument littéraire de figures vulgaires dont l’inconsistant niveau a pour but de ne surtout pas dépasser le sien. Elle a pu se donner ainsi tout contrôle sur ce que, dans le but de cacher que son néant en était l’origine, elle nomma d’un mot : « littérature contemporaine ». Alors déferlèrent ces succès d’imbéciles fabriqués pour les besoins de la presse, et dont, pas même pour un cirque, nulle ère de l’histoire n’eût voulu. Ces sots sont sérieusement et pompeusement désignés comme des auteurs : personne ne sait dire pourquoi, mais qu’importe ! La chose est décidée avant que la question ne soit posée. Il y avait naguère le bourgeois, ce poussah d’éducation lourde mais réelle ; il y a maintenant la vacuité du journaliste que nourrit son inculte bachotage de circonstances. 

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Peu d’intelligences sont en mesure de comprendre que sainte Thérèse de Lisieux (morte à un peu plus de vingt ans et Docteur de l’Église), c’est beaucoup plus important que Rimbaud. Les gens font ce qu’ils peuvent, c’est pour cela que c’est accablant. Et ce qu’ils peuvent, pour l’instant, c’est Rimbaud. 

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En un phénomène aussi répétitif qu’éblouissant, l’écrivain majeur, le penseur capital, trente ans après sa mort, sera acclamé par la presse comme prophète incompris de la presse. Par le même grégarisme qui le lui faisait mépriser, la paresse de presse fera éloge de son style incomparable. Les enfants de ceux qui refusaient de parler de lui renieront le conspirateur silence de leurs parents. Ils dénonceront ce qu’avant eux l’on fit subir au génie, mais en faisant subir la même chose aux génies qui vivent en même temps qu’eux… Jamais l’intemporel n’est ainsi promu, en son incarnation, par le petit clan des échotiers, que lient, par mentalité et profession, les esclavages de leurs pactes mondains. 

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Pour un face-à-face qui sera le moyen de leur châtiment, leur mort apportera aux faibles d’esprit la seule preuve qu’ils obtiendront de Dieu. 

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À l’égard de la gent journalistique je laisse toute espérance : jamais un chiotte infernal ne gargouillera la louange du paradis. Quant à mon sort médiatique, il est scellé… Je n’ai pas aimé le monde, j’ai aimé la vie : voilà qui est impardonnable aux yeux des morts qui s’enterrent entre eux toute la journée dans une tiédeur que Dieu vomit. 

Maxence Caron

Service Littéraire, n° 182

Le Bloc-notes de Maxence dans le « Service Littéraire » (avril 2024)

Bloc-notes de Maxence Caron paru dans le numéro 180 du Service Littéraire

La peinture est l’effort auquel est soumise la matière pour devenir lumière. Et les couleurs sont les différents chemins et les différents moyens que cet effort emprunte.

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Pendant que je subissais de devoir gésir chez Grasset où avait lieu un grotesque cocktail et où gloussaient quelques êtres télévisibles, socialistes, fats et salissants, me revint cette pensée de Delacroix : « Ces philanthropes de profession sont tous gras et bien nourris. Ils vivent tout heureux du bien qu’ils sont chargés de répandre. » (Journal, juin 1854) 

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« Il ne faut pas augmenter les jours de fête pour le peuple, il s’en acquitte mal. » C’est ce que l’on peut lire dans la sublime Josephina de Gerson (au Ve livre, v. 1394). Si l’on ne prend garde au diagnostic de Gerson, arrive ce jour où celui de Muray se constate, qui décrit « la fête » comme autocélébration de la destruction. Afin de s’en mieux convaincre, qu’on se réjouisse ici de la ductilité des choses puisque ces auteurs sont tous deux publiés aux Belles Lettres. 

La magnifique édition de Gerson est parue en 2019. Cependant pas un seul des « humanistes » califourchonnant l’échine de notre temps n’a su ne fût-ce qu’en évoquer la publication capitale. Comprenons-les ! Ils sont si pressés de nous parler de Gide, Beauvoir, Exupéry, Paulhan, Proust et Vian, ou même, après avoir achevé leur tournée des exorables, de raconter le destin de tel défunt voisin de palier dont ils se flattent d’avoir recueilli, en bande d’amitié organisée, l’humble « génie » silencieux… Ainsi font. Car un articlier pisseux journaligaud n’aime que les auteurs à côté de qui il est aisé de rester ce qu’on est, de demeurer tout petit saligaud modeste. La masse encriarde ne se conjouit qu’à côté de qui il est aisé de se grandir. 

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Tous les maux de ce siècle, toutes ses errances et aberrations ont pour origine cette cause aux conséquences radicalement destructrices : les hommes ont condamné Dieu pour assurer leur droit. Numquid condemnabis me, ut tu justificeris ? (Job 40, 3) Et dire que de surnaturels imbéciles courent toujours qui sont à la recherche de « solutions politiques »… À la « république » qui occupe la France, à la gentaille de ses mythographes, à la nécrogène smala de ses zélateurs, à l’anthracite plancton de ses spectateurs – nous demandons avec le prophète Jérémie : « Où sont-ils les dieux que tu t’es fabriqués ? Qu’ils se lèvent donc s’ils peuvent te sauver ! » (Jr 2, 28) Et quel silence… 

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Par le gracieux effet de tous ces spectres modernes qui s’accouplent sans générosité puis unissent la nullité de leurs sentiments fantomatiques, l’amour, qui était naguère vécu à deux, brille aujourd’hui sous l’astre égalitaire, et le voilà partagé en deux. 

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Dieu est ineffable, absolument différent, et sublime : Dieu est Celui que l’on ne saurait dire et que cependant l’on ne peut taire. C’est juste assez pour enflammer la joie de ses enfants et nourrir le cauchemar des apostats – pour exciter la sainteté des élus et abandonner les réprouvés à leur damnation.

Le Bloc-notes du « Service Littéraire » (février 2024)

Bloc-notes de Maxence Caron paru dans le numéro 178 du Service Littéraire (février 2024)

L’élyséenne stratégie du Pdt. Maquereau pour 2027 n’a pas encore fait l’objet d’une analyse lucide. Les choses sont pourtant claires aux yeux du non-rééligible aigrefin. Lorsqu’il aura tout accompli pour abaisser sa fonction au caniveau et se rendre imbuvable à son peuple, ce à quoi s’emploie et se surpasse la bassesse de son naturel, lorsqu’il aura provoqué cette victoire électorale des héritiers du fascisme, qu’il prévoit et prépare, alors, en un instant, les « insoumis » de la gauche totalitaire lanceront leurs milices contre le parti tout juste élu ; ils ont en effet ce marxiste espoir que naisse une conscience de classe et que les communautés allogènes les rejoignent afin de leur offrir la prise du pouvoir. Cette atmosphère de coup d’État qu’espère la gauche de gauche, commencera à l’annonce des résultats du scrutin, alors même que l’ancien mandat est actif et que la passation de pouvoir est lointaine. La Présidence de la République n’aura donc plus qu’à invoquer « l’intérêt supérieur de la nation » pour que l’article 16 de la Constitution apparaisse comme un moindre mal, et que soient ainsi votés les pleins pouvoirs au sortant. Parmi les soupirs de soulagement et le plus légalement du monde, voici finalement désigné dictateur extraordinaire celui même qui n’avait plus droit à l’exercice de l’autorité. 
La situation de tension entre les deux extrémités de « la droite » et de « la gauche » étant installée pour longtemps par la tyrannie centriste même qu’est devenu l’État occidental, il n’existera jamais aucun motif suffisant pour que les institutions entendent dispenser le pays de la nécessité d’une tyrannie. Au peuple on dira que c’est pour son bien et pour le salut de la république : « Lorsqu’un mauvais coup se mijote, il y a toujours une république à sauver », explique Le Président de Simenon joué par Gabin. 
C’est beau comme un mois de juillet 1940, et ce ne sera qu’un mois de mai 2027. L’humanité a-t-elle entre-temps appris quelque chose ? Non. Mais moi j’ai appris ceci : à quoi bon laisser aux peuples le vote s’ils n’en usent qu’à élire des dictateurs afin d’être protégés des despotes. 

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Scène de la vie romancière : « C’était la nuit. Avant de se travailler à gicler sa cendre dans un ventre rempli d’ovules morts, sur les bords de Seine le gentil Boucleglabre promenait l’irrésistible Porcella. » 
Quand les effondrés se servent de la pudeur c’est pour mieux dissimuler l’obscénité. 

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L’homme nomma « progrès » de commander à la matière, mais il ne prit pas garde de s’y obnubiler.

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« Ils l’attachèrent avec une double chaîne d’airain, et il tournait la meule dans la prison. » (Jg 16, 21) Cette charmante allégorie du couple gynocrate est l’état où fut décrit Samson après qu’il eut cédé à Dalila. La Bible est le livre de tant de prophéties… C’est le livre de l’année et des suivantes. Curieusement, l’auteur n’a jamais gagné aucun prix. Et l’on crucifia son Verbe. 
J’en sais combien dont le verbe est si accommodant qu’ils sont, pour ainsi dire, incrucifiablement lisibles. Oh ! ils sont aimés, ces tout lisses culs ! On leur dit du bien d’eux, ils ont une place dans le cœur des majorités, ils soignent leurs relations. « En vérité je vous le dis : ils ont leur récompense. » (Mt 6, 2) 

Maxence Caron