Réponse de Mauriac au discours de réception de Claudel à l’Académie française
13 mars 1947
Monsieur,
L’honneur de vous accueillir dans notre Compagnie, je ne crois pas l’avoir usurpé. J’appartiens à cette génération qui la première vous a compris et vous a aimé. Lorsque, au déclin de l’âge, nous nous tournons vers notre adolescence, plus d’un trait du jeune homme que nous fûmes nous irrite ou nous fait sourire. Mais je serais tenté de beaucoup lui pardonner, à ce jeune homme, pour la lucide ferveur que lui inspiraient des poètes ignorés du public et méconnus de la critique officielle.
À l’aube de ce siècle, encore collégiens, nous savions qui vous étiez. Dès 1906, dans la première étude importante qui vous ait été consacrée, Jacques Rivière assignait sa vraie place au dramaturge inconnu de Tête d’or et de La jeune fille Violaine. De notre Bordeaux natal, il criait vers vous qui étiez consul en Chine, et vous lui répondiez avec une patience de grand frère, mais aussi avec une autorité pressante et comme un homme investi d’une mission. Continuer à lire « Quand l’Académie parlait français : Mauriac s’adressant à Claudel »