« Service Littéraire » de juin : une ouverture mallarméenne, et le Bloc-Notes

Dans le numéro 129 du Service Littéraire (juin 2019), on peut lire :
1) le Bloc-Notes de Maxence Caron, qui analyse d’une part la notion de « complotisme » et d’autre part les discours qui en usent ;
2) en couverture illustrée (et p. suiv.) une méditation de M.C. sur la Correspondance de Mallarmé.

 

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Que veut dire « complotisme » ?

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Que veut dire « complotisme » ?

« Complotisme » est l’injure proférée par un pouvoir d’État contre tout discours susceptible de contester son principe. Celui-ci étant le « bien » de ce pouvoir, l’État qui lui est attaché se définit lui-même comme « le Bien » et désigne comme « le Mal » absolu tout ce qui est extérieur à son fonctionnement doctrinaire. Tout discours qui construit ainsi une cohérence à l’extérieur de l’État, en est du même coup la dénonciation : étant vécu par le pouvoir établi comme un complot, ce discours est immédiatement accusé de proférer une dénonciation mensongère si grave qu’elle est mise au rang de la calomnie hallucinatoire, puis de la pathologie diabolique. Tel discours est donc accusé de rêver activement d’imaginaires motifs de réprobation contre cette seule réalité possible qu’est le pouvoir établi : toute formulation dénonçant l’injuste fonctionnement de l’ordre imposé par le pouvoir établi, est dite relever de la fantasmagorie paranoïde et bayer aux chimères d’inexistants complots contre le peuple ; ce pourquoi sous le terme de « complotisme », le pouvoir de l’État dénonce de manière systémique ce qui le dénonce.

Le pouvoir en exercice manipule la formule du « complotisme » vis-à-vis de tout ce qui ne relève pas de ce qu’il pense. Toute doctrine critique qui, pensant à l’échelle du pouvoir et se mesurant à lui, le désigne comme un adversaire et ne relève donc pas de son principe, sera désignée comme une « théorie complotiste » par l’organe d’expression de ce pouvoir : la presse. Se trouvent dès lors automatiquement enclenchés les moyens officiels du journalisme de masse : l’opprobre des dénonciations préventives et l’excitation des campagnes de dévalorisation.

Utilisant ainsi les nombreux relais de sa propagande de presse, le pouvoir d’État utilise l’accusation de « complotisme » afin que ceux qui, majoritaires ou non, possèdent des raisons de comploter réellement contre lui, soient empêchés de former une conjuration efficace.

L’accusation de « complotisme » est inventée par les démocraties mortes qui se défendent contre la liberté.

Maxence Caron