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« Étonnement. Rareté. Événement. Nous avons vu paraître ces derniers jours un roman ! Un véritable et beau roman, construit, puissant, pensant, une architecture d’un haut millier de pages, peuplée de personnages qui vivent et dont s’impose chacun des visages. Un roman total et qui ne craint jamais de prendre sur lui l’exigence dictée par la tradition de ses aînés. Un roman dont cette glorieuse exigence est même le point de départ. Un roman qui commence en tenant Balzac dans une main et Bernanos dans l’autre. Son titre : La Chasse au Cerf. Et son auteur est notre ami Romain Debluë. Ne craignant pas de tisser son récit et ses intrigues sans les priver jamais de style ou de pensée, il publie là un roman total. Ainsi firent en somme tous les grands romanciers : Balzac le théosophe maniant constamment l’histoire de la pensée, dont les Études philosophiques sont le couronnement de la Comédie humaine ; et Bernanos dont les personnages vivent d’incarner une aporie qui cherche ou fuie la rencontre de son équation théologique ; et Rabelais dont des passages entiers sont recopiés mot à mot des philosophes médiévaux ; et Proust qui était fier que son roman soit aussi, en réponse à Bergson, un traité de philosophie sur l’art, l’âme et le temps ; et Dostoïevski bien sûr, et Rousseau évidemment, et Melville, et Goethe, et Montesquieu, et Cervantès, et tous les autres. C’est en assumant les impératifs de cet héritage dont il tutoie les racines, qu’à 30 ans Romain Debluë réussit un monumental roman néo-classique, en une langue mozartienne déployant un monde aux dimensions des opéras de Richard Strauss. À la science sereinement intemporelle ici mise en œuvre, nous ne voyons certainement pas de rival dans le monde de ceux qui font profession de raconter une histoire, et qui sont deux assommants milliers entre septembre et février. Que les prétendus romanciers soient devenus incapables de cette ambition qui veut penser, en un style, l’existence et le destin de personnages fictifs au sein d’un récit que pétrissent les péripéties symboliques, voilà qui a conduit à la disparition d’un certain art. Par l’autorité du soufflet qu’il applique à la trogne des légions d’impuissants, le livre de Romain Debluë suspend cette malédiction. »
Maxence Caron
(Extrait du Bloc-notes paru dans le n° 169 de Service Littéraire)