VIE D’HOMERE PAR HERODOTE
(Traduction de Larcher)
I. Hérodote d’Halicarnasse, ne cherchant que la vérité, a composé cette histoire de la naissance et de la vie d’Homère. Lorsque l’on bâtit anciennement la ville de Cyme en Æolie, il s’y rendit des hommes de différentes nations de la Grèce, et entre autres il en vint de la Magnésie. Parmi ceux-ci se trouva Ménalopus, fils d’Ithagènes et petit-fils de Crithon. Loin d’être riche, il n’avait pas même d’aisance. Arrivé à Cyme, il épousa la fille d’Omyrétis. De ce mariage il eut une fille qu’il nomma Crithéis. Le mari et la femme moururent tous deux, laissant leur fille en bas âge. Le père, avant que de mourir, en avait confié la tutelle à Cléanax d’Argos, avec qui il avait eu de très grandes liaisons[i].
II. Dans la suite des temps, cette jeune fille, ayant eu un commerce secret avec un homme, se trouva enceinte. Cette aventure fut d’abord ignorée ; mais Cléanax, s’en étant aperçu, en fut très fâché, et, l’ayant prise en particulier et sans témoins, il lui reprocha sa faute et le déshonneur dont elle se couvrait aux yeux de ses concitoyens. Pour la réparer, voici le parti qu’il prit. Les Cyméens construisaient alors une ville dans l’enfoncement du golfe Herméen. Thésée[ii], voulant éterniser la mémoire de son épouse, donna à cette ville le nom de Smyrne. Il était Thessalien et l’un des personnages les plus distingués de cette contrée. Il descendait d’Eumélus, fils d’Admète, et jouissait d’une fortune considérable. Cléanax la conduisit secrètement dans cette ville, et la confia à Isménias de Béotie, l’un de ses grands amis, sur qui le sort était tombé pour aller en cette colonie.
III. Crithéis, étant près de son terme, sortit un jour avec d’autres femmes pour se rendre à une fête que l’on célébrait sur les bords du Mélès. Les douleurs de l’enfantement la surprirent : elle accoucha d’Homère, qui, loin d’être aveugle, avait d’excellents yeux. Elle lui donna le nom de Mélésigènes, parce qu’il était né sur les bords de ce fleuve. Crithéis demeura quelque temps avec Isménias ; mais dans la suite elle le quitta, et, se nourrissant, elle et son fils, du travail de ses mains et de celui que lui procuraient quelques personnes, elle l’éleva comme elle put.
IV. Il y avait alors à Smyrne un homme nommé Phémius, qui enseignait les belles-lettres et la musique. Continuer à lire « La « Vie d’Homère », attribuée à Hérodote »