Lamartine, Cours familier de Littérature, Année 1858 :
Poésie lyrique – Musique – Poésie sacrée
M. de Lamartine, élu par l’Académie française à la place laissée vacante par la mort de M. le comte Daru, a pris séance le 1er avril 1830.
Messieurs,
Appelé par votre indulgence, bien plus que par mes faibles titres, à l’honneur dont je viens jouir aujourd’hui, à voir un nom qui vous emprunte tout et qui vous rend si peu inscrit parmi les noms du siècle dont vous êtes l’ornement et l’élite, j’ai tardé longtemps à venir prendre acte de cette part d’illustration que vous m’avez décernée, à vous apporter le tribut de ma reconnaissance et de mon bonheur ! Mon bonheur ! j’en avais alors ! La distinction dont vos suffrages m’honoraient, cette gloire des lettres dont votre choix est la récompense ou le présage, cet éclat d’estime et de bienveillance que répand sur une famille, sur une patrie tout entière, l’élection d’un de ses enfants; toutes ces joies de l’esprit, de la famille, étaient doublées pour moi! Elles se réfléchissaient dans un autre coeur. Ce temps n’est plus! Aucun des jours d’une longue vie ne peut rendre à l’homme ce que lui enlève ce jour fatal où dans les yeux de ses amis il lit ce qu’aucune bouche n’oserait lui prononcer: -Tu n’as plus de mère!- Toutes les délicieuses mémoires du passé, toutes les tendres espérances de l’avenir s’évanouissent à ce mot; il étend sur sa vie une ombre de mort, un voile de deuil que la gloire elle-même ne pourrait plus soulever! Ces joies, ces succès, ces couronnes, qu’en fera-t-il? Il ne peut plus les apporter qu’à un tombeau !
Ainsi la Providence, qui se voile sous nos joies comme sous nos douleurs, nous attend avec un arrêt de mort à l’heure de nos vains triomphes! Continuer à lire « Lamartine : son discours de réception à l’Académie française »