Les intellectuels les plus divers se réclament aujourd’hui de la pensée de Charles Péguy, dont le rayonnement ne cesse de croître. Ce volume réunit, sous le patronage d’Antoine Compagnon, ses principaux essais, la plupart introuvables aujourd’hui dans une édition équivalente.
Charles Péguy, Mystique et politique, collection Bouquins, Robert Laffont, 2015, 1282 pages
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CE VOLUME CONTIENT :
Zangwill
Notre patrie
Situations
– Situation I : De la situation faite à l’histoire et à la sociologie dans les temps modernes
– Situation II : De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne
– Situation III
– Situation IV : De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne devant les accidents de la gloire temporelle
À nos amis
Notre jeunesse
Victor-Marie comte Hugo
Un nouveau théologien
L’Argent
L’Argent (Suite)
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Si Péguy nous est parvenu comme l’exemple de l’homme engagé, droit dans ses bottes, modèle d’austère vertu républicaine, défenseur exemplaire de Dreyfus, la lecture de son oeuvre révèle un personnage bien plus complexe et tourmenté, à la fois tragique et comique, au style ahurissant, animé, comme disait l’un de ses maîtres, Gabriel Monod, d’une « mégalomanie bizarre » consistant à « vouloir être le seul vrai républicain, le seul vrai socialiste, le seul vrai dreyfusard ». Au nom de la collectivité, il fut un solitaire patenté ; au nom de l’ouverture, il dut se replier sur le cénacle de sa revue, les Cahiers de la quinzaine ; au nom de la politique, il fut le grand mystique de l’avant-guerre.
Il n’y a pourtant de contemplation recluse et paisible, dans les grands essais polémiques de Péguy, ici réunis pour la première fois en un volume cohérent. Tout peut être chez lui mystique, le judaïsme et le christianisme, qui lui sont particulièrement chers, comme l’amour de la République, de la monarchie ou de la patrie, de tout temps et en tout lieu. L’affaire Dreyfus en est le modèle inoubliable, qui l’accompagna toute sa vie. Il en conserva un seul impératif, applicable à tout : que « la mystique ne soit point dévorée par la politique à laquelle elle a donné naissance ».
Cette intransigeance poussée à son point de rupture, les colères de Péguy, sa drôlerie cruelle et son goût de l’excès le condamnèrent à la marge. Il est aujourd’hui urgent de le lire ou de le relire, dans une époque ou le politique s’est plus que jamais dégradé et ou personne, précisément, n’y « croit » plus. Lire Péguy et ses étonnants Cahiers de la quinzaine, c’est s’abreuver à la source de toute politique, quel qu’en soit l’horizon ; c’est retrouver un sens, quel qu’il soit, dans un monde moderne qui semblait s’en être définitivement débarrassé.
Les principaux essais de Péguy publiés entre 1904 et 1913 tissent une longue analyse de ce monde moderne environnant, parfois grave et tragique, parfois comique et jubilatoire, tout en réveillant ce que le monde moderne est en train de trahir, le génie littéraire, l’héroïsme, la sainteté et toutes les formes de la grandeur. Dans une langue tourbillonnante et entêtante, les cibles de Péguy se succèdent sous son regard perçant, depuis Taine et Renan jusqu’à l’argent-roi, en passant par les dreyfusistes pénitents, les défaitistes en tout genre, les hérauts de la « nouvelle Sorbonne », les cléricaux de toutes les Églises, les pires ennemis de Péguy comme ses amis les plus proches… Douze essais formant un flux continu, pour une radiographie sans merci de la modernité. |