« Ils ont trop d’honneur pour se faire banquier de pharaon. » Prince de Ligne

« J’ai mauvaise opinion d’un pays où il y a des fripons, et où il n’y a pas de voleurs. Il est clair que c’est faute de courage ; il y a à parier que si ceux qui attendent des voyageurs sur un grand chemin, pendant la nuit la plus glaciale de l’hiver, avaient quelque chose de mieux à faire, il ne s’appliqueraient pas à un métier si dangereux. Ils exposent leur vie, font une guerre ouverte et ont peut-être trop d’honneur, pour se faire banquiers de pharaon, ou gens d’affaires ; on soupe chez ces gens à malversation, et l’on fait pendre ceux qui n’ont pas voulu l’être, ni devenir laquais de quelque grand seigneur, pour le voler plus commodément. »

Prince de Ligne, Ma tête en liberté,
Belles Lettres, nouveautés octobre 2016

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Parution de « Ma tête en liberté » du Prince de Ligne dans les « Classiques favoris »

Mes Ecarts ou Ma tête en liberté de Charles-Joseph prince de Ligne, édition intégrale, 370 p., Belles Lettres.

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« Personnage singulier entre tous, le Prince de Ligne plane comme une figure légendaire à l’écart et au-dessus du siècle des Lumières. Son génie entre en incandescence dans le temps même que ce siècle disparaît. Ayant attendu les vingt dernières années de sa longue vie pour devenir l’auteur des trente-quatre volumes que constitue son œuvre, le Prince de Ligne dépose au milieu d’une époque qui n’est plus la sienne, au début du xixe siècle, la puissante synthèse d’un monde tout juste révolu.

Aristocrate né à Bruxelles en 1735 dans l’une des plus anciennes familles du Hainaut, il se doit à la carrière militaire et diplomatique, ce qui l’envoie partout en Europe et lui permet de cultiver un goût naturel pour le détachement : car il ne sera l’esclave d’aucune idéologie en un temps où prendre parti est une obligation autant qu’un divertissement.

À l’agitation d’un siècle qui aboutit à la Révolution le Prince accorde une réconciliation dans un style, une attitude et un sourire dont aucun de ses prédécesseurs ne sut trouver l’apaisante tonalité. Emblème de son esprit, de sa sagesse comme de ses sentiments, l’ouvrage qui réunit ses maximes, Mes Écarts, et qui est aussi éloquemment intitulé Ma tête en liberté, regroupe la somme de ses pensées et dresse le portrait d’une âme autant que le système d’un esprit. Souvent publiés par bribes alors qu’on n’a jamais vraiment pu les lire depuis leur première parution, les Écarts sont ici édités en entier. Le Prince de Ligne est l’ultime grand moraliste de langue française : Ma tête en liberté porte à son dernier mot le génie d’une tradition inaugurée par La Rochefoucauld.

Mélange « sentimentaire » d’un militaire paradoxalement empli de préciosité, d’un rêveur alliant métaphysique et fantaisie, Ma tête en liberté est l’œuvre d’un auteur classique dont la pensée veut se constituer à l’écart de ce qu’il a vu et qu’il a connu, dont il a tiré une éthique de la hauteur de goût et une morale de l’élégance sans implication. »

Maxence Caron