Décapant, créatif, terriblement insolent, politiquement incorrect, Maxence Caron à la manière de Juvénal met en scène un couple d’amants contemporain, Clitandre et Phallusine, réunis lors d’une soirée amoureuse de fin de semaine.
Ce petit livre qui célèbre la littérature est absolument réjouissant.
Maxence Caron n’épargne ni l’homme ni la femme. Les propos sont cruels – mais lucides- à la fois certes très misogynes mais aussi misandres.
[..La femme qui se prend pour un homme montre combien la femme est forme rétrécie de l’homme. L’homme de fin de monde..].
L’auteur observe Clitandre et Phallusine bavarder, discourir, ne pas s’écouter, les regarde se préparer au corps à corps et les allume de sa plume fleurie. La pornographie ainsi verbalisée est particulièrement savoureuse.
[…Face à la gorge amplement mamelue de la bordille, il ne songeât point du tout à se hâter vers l’une quelconque des géographies humides. Il lorgnait la victuaille. Il en avait la crête cramoisie et la bimbeloterie tremblotante toute.]
Pour être assez aguerrie aux lectures lestes de toutes sortes, je dois avouer que Maxence Caron avec son verbe rabelaisien est un maître en la matière pour évoquer et dire ce que sont les ébats et la chair en fusion, mais aussi la gymnastique génitale convenue à laquelle s’adonnent les amants. L’imaginaire de l’auteur fait de l’ombre aux imaginations strictement normées de Clitandre et Phallusine.
Il n’est pas impossible que le lecteur, après avoir lu La Satire Foutre, ne soit prochainement pris de fou rire en plein rendez-vous érotique car le miroir que nous tend Maxence Caron laissera quelques reflets indélébiles.
[..De cet incontinent crachin le gonze dut faire son potage : Clitandre mit tout le blase en ces tréfonds âcres, et la cramouille de cette Proserpine tressauta drue sous le gamahuchage. La crougnougnoute dura un moment, et ce fut athlétisme maxillaire. Au champ de bataille de la gamahuchage, chez les tâtant de la liche et les têtant cunnilinguistes, il ne reste guère de mâchoire intacte…]
J’ai la joyeuse envie de vous donner maints extraits, mais le format court du livre me retient. Allez, quand même ceux-là pour le plaisir
[… Le face-à- face phalloïde la troubla. Il fallait feller…faire l’avale-tout, c’était effacer le balane, et c’était ainsi pour la foutremelle se rendre totale potentate..]
…..[Toute la bêterie du monde se résume dans les yeux orgasmiques de la markousquette que l’on enviande : s’y étale une transparence sans profondeur, autrement dit une inquiétante opacité…]…
[Il avait le chibre tout crouni rabougri pustulaire : en tenue d’ancien combattu, le voilà bien mal et moche après le moment pituitaire….]
En épilogue, les amants, ayant terminé leur exercice d’enfoutrement, durent penser à se côtoyer vraiment sans prétexte sexuel. Dormir ensemble ou partir ? La vampiresse et le castor sont tout à leurs interrogations intérieures et Maxence Caron après avoir toréé de haute voltige ne gracie pas vraiment le couple… La rageuse joie du romancier n’est pas radine, la mise à mort est consternante mais belle.
Si le thème de La Satire Foutre ne manque pas d’intérêt, le plus grand plaisir de ce livre reste la langue et le vocabulaire qu’utilise l’écrivain. Le détournement des mots, leur fabrication érudite est un vrai régal, on ne s’en lasse pas, le dico en main on s’émerveille de la justesse de l’image ou de la construction et de l’origine du mot.
Anne Bert
Maxence Caron, La Satire Foutre, Les Belles Lettres