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Si vous voulez du monde à votre enterrement, faites des dîners. La viande vivante ne rend visite à la viande morte que si elle en fut bien nourrie. C’est ainsi que se caresse le ventre de la reconnaissance.
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Quand les tyrans n’eurent pas assez de charme pour s’imposer comme des évidences, ils demandèrent à la foule d’approuver leur puanteur. Alors la liberté mourut un peu plus : la république était née.
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« Les femmes régnaient alors, la Révolution les a détrônées. » (Elisabeth Vigée-Lebrun, Lettre 10)
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L’esclave est, par définition, celui qui a licence d’exprimer uniquement ce que son maître lui permet de dire. Que l’on ne vienne donc pas me parler de liberté de la presse, c’est un non-sens : pas même un fantasme, un fantôme. Que l’on ne vienne pas me parler non plus des « écrivains » – de ces innombrables auteurs d’entreprises à qui les troupes de gestionnaires et d’argousins réécriveurs laissent poser leur nom au-dessus de l’enseigne éditoriale d’une couverture, comme on demanderait à un factionnaire de garder l’entrée d’une plantation.
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Comme s’il eût avalé une médaille qui s’était mise à l’abri de son revers, cet académicien prend des airs que la constipation accable.
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Aux quelques paresseux dont, par envie de moi ou dédain d’eux, le simplisme me reproche d’être complexe, je m’en vais expliquer sur-le-champ, d’un seul mot emprunté à l’alphabet populaire et valant pour métaphore absolue, le problème inhérent à la démocratie. Was ist das, la démocratie ? Ceci : « Il a fait bip-bip, alors on a fait meuh. »
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Parmi ses prophéties, cette parole de Léonard de Vinci plonge le regard au cœur de ce que deviendrait un jour la langue des livres admissibles : « Les mots qui sortent de ta plume sont si froids que tu pourrais en faire de la gelée jusque sur le mont Etna. »
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Surtout retenez bien le nom de ce nouveau grand écrivain : on n’en entendra bientôt plus parler.
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La presse impute à l’irrationnel la dissolution de juin 2024. À l’attention des journalistes, que nous n’aimons pas mais à la rééducation de qui l’avenir nous demande de consentir, cette phrase d’un homme qui les fréquenta et qui, en dépit de son intelligence, parvint à les supporter : « Pour un gouvernement trois oppositions valent mieux qu’une, surtout si elles s’opposent entre elles. » (A. Frossard)
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Qu’il soit riche ou pauvre, la vie du bourgeois sert à faire des économies. C’est ainsi qu’au jour de sa mort il est certain d’avoir été plus puissant que son prochain.
Raison pourquoi il faut craindre les tripotages des gouvernements bourgeois, qui sont le cœur de la République.
Maxence Caron