Parution : Raymond Schwab, « La Renaissance orientale »

Publication dans « Les Classiques favoris » de La Renaissance orientale, le chef-d’oeuvre de Raymond Schwab. (Belles Lettres, 2024, 464 pages)


Édition conforme au texte original, avec bibliographies et index
Introduction de Thibaut Matrat 

Paru en 1950, le grand livre de Raymond Schwab (1884-1956) est une révolution qui valut la gloire à son auteur. Grand classique, La Renaissance orientale bouleversa la perception que le public se faisait des figures les plus célèbres de l’histoire contemporaine de la littérature et de la philosophie. Étrange affaire : célèbre dans le monde entier, l’ouvrage était introuvable en France. 
Avec élégance, rigueur et douce imperturbabilité, Schwab y montre tout ce que la pensée, la littérature, les sciences et les arts européens doivent à cette redécouverte obstinée des pensées orientales qui commença au XVIIIe siècle. La fascination exercée par l’Orient sur les sciences et les arts en Europe entre le XVIIIe siècle et la fin du XIXe, a dessiné en profondeur les perspectives panthéistes dans lesquelles notre civilisation a voulu définir sa modernité. Alors que la « première Renaissance » redécouvrait au XVIe siècle l’Antiquité gréco-romaine, cette « seconde Renaissance », aux XVIIIe et XIXe siècles, ouvre les structures mentales de l’Europe à l’Orient. Celui-ci est conçu à la fois comme son autre et comme son origine, puis transformé en quelque chose qui va devenir ce qu’est notre monde. C’est la manière dont les sources orientales ont pu donner lieu à une appropriation européenne qui intéresse l’auteur. Dès lors le matériau qu’il inspecte est considérable : citons pêle-mêle et parmi tant d’autres Lamartine, Hugo, Michelet, Baudelaire, Wagner, Goethe, Nietzsche, Shelley, Leconte de Lisle, Emerson, Flaubert… 
Les sources du basculement de toute une civilisation dans la grande accélération moniste est la préoccupation majeure de ce livre. Celui-ci s’est imposé, au fil du temps, comme une éblouissante somme d’histoire des idées tout autant que, de l’aveu même des spécialistes, comme la plus magistrale histoire de l’orientalisme jamais écrite. Lors de sa traduction anglaise il y a quelques années, le Journal of Asian Studies écrivait ainsi de La Renaissance orientale qu’il s’agissait « d’une œuvre extraordinaire », et que « la richesse des détails, la synthèse imaginative des matériaux, la présentation captivante y étaient inégalées en ce domaine ». Dans le New York Times, Bernard Lewis en personne concluait : « Le livre de Schwab apporte un magistral éclairage, enrichissant en profondeur notre compréhension de la tradition intellectuelle et de sa place dans l’évolution du monde occidental. » 
Voici ce chef-d’œuvre à nouveau significativement disponible pour la première fois depuis sa parution. Une belle introduction de Thibaut Matrat fait portrait de l’auteur en sa vie et ses livres. 

Auteur brillant en tous domaines (roman, poésie, philosophie, musique, histoire de l’art), ami des grands artistes de son temps, Raymond Schwab est né dans une famille juive de Lorraine. Il se convertit au catholicisme. Illustre traducteur biblique, nous lui devons les Psaumes de La Bible de JérusalemLa Renaissance orientale est son œuvre testamentaire. Il y observe la façon dont s’est construite, en un énergique culte de l’immanence, la civilisation qui naît au XXe siècle. 

Carlyle : « Passé et présent »

Parution du chef-d’oeuvre de Carlyle, Passé et Présent.

Thomas Carlyle, Passé et présent, traduction de Camille Bos revue par Thibaut Matrat, présentation de Thibaut Matrat, « Classiques favoris », Les Belles Lettres, 2023

4e de couverture

Carlyle est un monument de la littérature anglaise. Né en 1795, avant que Bonaparte ne se fasse connaître, il meurt en 1881, à la fin de l’ère victorienne : la force, l’abondance et la longévité de son œuvre en font l’homme-siècle de l’Angleterre littéraire. Il naît contemporain de Byron et de la génération des « Romantiques » (Keats, Shelley), mais dans ce XIXe siècle de tant de bouleversements, son génie érudit et patient, aussi longanime qu’insolent, lui ouvre d’autres voies que celles où les poètes maudits se consument. 

Issu d’une famille pauvre de la noblesse d’Écosse, son goût pour l’étude le conduit à Édimbourg. La fréquentation des « Lumières » le rend neurasthénique. Détestant l’athéisme Carlyle découvre la force des auteurs de l’Idéalisme allemand, et y puise la sienne. Pendant plusieurs années, il traduit et commente ces auteurs de pointe. Son brio attire l’attention de Goethe : « Quelle force en lui ! » écrit le grand homme. Carlyle incarne la synthèse d’un équilibre puissant – d’un explosif équilibre ! Philosophe, érudit, traducteur, historien, ce savant d’avant-garde fait ainsi paraître, à presque 40 ans, son premier livre original, le roman Sartor resartus(« le raccommodeur raccommodé »). Roman d’initiation, baroque et mystique, satirique et philosophique, l’ouvrage est si nouveau que tous, encore aujourd’hui, demeurent en arrêt devant lui. Borges en affirma qu’il était « le plus hardi et volcanique » des romans qu’il connût. Carlyle publie dans la foulée l’une des œuvres qui aura le plus d’influence sur son siècle, son Histoire de la Révolution française. Michelet concevra la sienne dans l’obsession d’y réagir. 

Son chef-d’œuvre est publié en 1843 sous le titre Passé et présent. Dans une langue splendide et en un art flamboyant, il y rassemble ses pensées. Avec un demi-siècle d’avance, ces tableaux fracassants de la modernité, drôles et limpides, sont ceux dont, jusque dans ses titres, Chesterton reprendra l’inspiration. Le tempérament de Carlyle et son style sont d’un satiriste et d’un imprécateur : les colères brûlantes ou froides de ce Tacite furieux font aussi bien l’admiration de Marx que de Taine. 

Un tel auteur n’a toutefois rien du mastodonte égaré dans une époque qui ne serait pas faite pour lui : il est au contraire le plus perturbant des lecteurs de celle-ci. Il est l’un de ces grands et intemporels contre-modernes dans l’œuvre de qui tous ont puisé. Aussi Victor Basch, le cofondateur de la Ligue des droits de l’homme, a-t-il pu écrire ces mots remarquables : « Le réquisitoire que dans Past and Present, Carlyle a dressé contre la faillite sociale des démocraties n’a jamais été dépassé. » 

Notre édition reprend la traduction de Camille Bos soigneusement révisée par Thibaut Matrat, professeur agrégé de lettres. Elle comprend une abondante présentation historique de la vie, de l’œuvre et de la pensée de Carlyle. Cette longue préface est le premier essai d’importance écrit en France sur l’auteur depuis des décennies. 

« L’un des plus grands écrivains américains a enfin sa biographie »

Article d’Anne-Marie Mitchell paru le 7 octobre 2023 dans La Marseillaise


Extrait :


« Si tu n’acceptes pas le passé et son fardeau, il n’y a pas de futur, car l’un ne saurait exister sans l’autre.» Ainsi parlait le multiprimé Robert Penn Warren (1905-1989). Enfin traduite en français, sa biographie est une mine de renseignements qui passionnera non seulement les lecteurs dévorés par la curiosité intellectuelle, mais surtout les étudiants qui auraient à plancher sur l’œuvre de l’un des plus grands écrivains américains du vingtième siècle. Qui remercier ? L’éditeur qui a fait le bon choix ? Thibaut Matrat, le talentueux traducteur ? Maxence Caron, l’excellent préfacier, né, ce qui ne gâche rien, à Marseille ? Warren, que nous avons chroniqué lors de la sortie de son prodigieux Au nom des Noirs ? Le biographe Joseph Blotner (1923-2012), spécialiste de Faulkner, dont le Sud (qu’il se plut à inventer, tel Giono qui créa sa Provence) devient plus réaliste sous la plume de Warren.

Un must-read factuel, autrement dit une lecture fortement recommandée.

Le premier ouvrage en français sur Robert Penn Warren

Il n’existait à ce jour aucun travail d’ampleur sur Robert Penn Warren autrement qu’en anglais, et il n’existait aucun ouvrage francophone sur l’auteur des Fous du roi. On mesurera donc l’importance de la publication en français de la biographie de référence américaine de Joseph Blotner :

Joseph Blotner, Robert Penn Warren : une biographie, traduction de Thibaut Matrat, préface de Maxence Caron, 900 pages, Séguier / Perrin, en librairie le 28 septembre 2023.