Louis Chardon : une nouvelle édition inespérée

Le grand ouvrage de Louis Chardon, La Croix de Jésus, chef-d’oeuvre de la littérature mystique et philosophique, bénéficie d’une nouvelle édition aux Belles Lettres, dans la collection des « Classiques favoris ». Ce grand livre était introuvable depuis des années.

On peut lire en ligne un extrait et y découvrir le détail de la riche table des matières développées par l’auteur.

4e de couverture :

Louis Chardon (1595-1651) est l’un des plus grands écrivains de la littérature. Exact contemporain de Descartes, il est également l’un des grands philosophes de son siècle. Purement accidentelle, sa rareté provient de la désinvolture avec laquelle le négligèrent les clercs qui avaient la charge de son oeuvre.

Entré à 23 ans chez les Dominicains, à Paris, Chardon traduisit sainte Catherine de Sienne, que la splendeur de son style eut le haut mérite de faire connaître en France. Homme de piété et de silence, il devint malgré lui le confesseur des personnalités les plus illustres. En 1647 paraissait son chef-d’oeuvre, La Croix de Jésus, dont le retentissement fut considérable. Le style en est si puissamment incomparable que l’on a pu dire qu’il était plein d’une vibration où la chair et le sang résonnent.

Penseur magistral, l’intelligence majestueuse de Louis Chardon, son âme saine et sereine, son coeur heureux et noble, font de ce génie une abondante et resplendissante nature que rien ne menace jamais de rétrécir. Il est le type même de l’humaniste de grande allure. Un but : l’explication des épreuves de la condition humaine. Avec une robustesse protectrice et une élégance monumentale, Chardon plonge au plus noir des ténèbres intérieures et les dissipe lumineusement. Il marche sur les eaux.

C’est un fait constant que l’âme humaine, pendant toute sa vie, se trouve dans la conviction exprimée par le Christ mourant sur la Croix : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Mais Dieu ne saurait abandonner une créature telle que l’homme, dont l’existence se tisse de n’aspirer qu’à son éternité. L’humanité vit ainsi dans la certitude d’un abandon, mais qui est impossible ; et elle répand un désespoir inutile, qui est l’intime prétexte des pires crimes. Les hommes s’agitent et ne regardent pas l’unité qui fonde avec science le paradoxe de leur condition. En vertu du préjugé selon quoi leurs opinions ne sont pas des préjugés, ils préjugent de ne pas rechercher cette unité fondamentale dont la Croix de Jésus est le principe existentiel. C’est là que Chardon commence. Par-delà les croyances, il engage une méthode objective : de cette unité de la Croix qu’appellent les faits, dire la joie d’une heureuse philosophie.

C’est ce que dix ans plus tard Pascal essaiera. Chardon écrit un livre que Pascal aurait voulu achever lui-même. Cette oeuvre d’une force comparable à celle de saint Jean de la Croix, ce « sublime poème digne de Platon » (A. Brémond) nous le rendons une fois pour toutes au bonheur des lecteurs.

Le texte de notre édition est celui, définitif, établi par François Florand. L’ouvrage est brillamment présenté par Romain Debluë, docteur en philosophie (universités de Paris-Sorbonne et de Fribourg), spécialiste de saint Thomas d’Aquin et de littérature religieuse, et dont l’importante oeuvre de romancier a récemment marqué les esprits. Jusqu’ici n’existait sur l’auteur de La Croix de Jésus que le désormais centenaire défrichage jadis opéré par le P. Florand. L’introduction que R. Debluë donne à cette nouvelle édition est un édifice à soi seul, et constitue le premier grand texte jamais écrit sur Chardon.

Sainte Catherine de Sienne : parution de ses Oeuvres complètes

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Ce livre est le premier à réunir, en France, en un volume, les Œuvres complètes de sainte Catherine de Sienne, et dans leurs meilleures traductions.
Sainte Catherine est source d’incessant émerveillement. Jeune femme pauvre et analphabète, elle meurt à 33 ans mais à la tête d’une œuvre dont il n’existe aucun équivalent. Née dans un siècle de déchirures et de guerres tandis que la « peste noire » décimait le tiers de la population européenne, Catherine est dénuée de formation ou d’expérience, elle ne connaît pas le monde, mais elle est habitée par la puissance même du Verbe. Entrée dans le Tiers-Ordre dominicain, par la force de sa parole et de ses Lettres elle s’adresse aux potentats, et, malgré sa santé précaire, obtient des résultats politiques capitaux, comme le retour de la Papauté d’Avignon à Rome.
Peu de temps avant sa mort elle dicta à une vitesse surhumaine les traités qui composent son célèbre Dialogue : leur envergure philosophique et théologique est telle qu’elle domine et dépasse l’histoire de la pensée. Catherine impressionne tellement les Papes, les cardinaux et les princes qu’ils la choisissent pour conseillère et lui confient la destinée des États. Le Dialogueacquiert d’emblée une immense popularité et devient le livre de chevet de l’Église universelle. Rares sont les classiques qui, à travers le monde, eurent un si considérable impact. Véritable emblème de l’impossibilité faite évidence, Catherine est l’une des figures les plus impressionnantes de l’Histoire. Sa pensée, sa vigueur, sa vie et son style sont si supérieurs que c’est son œuvre qui, en même temps que celle de Dante, fonde la parole toscane et se trouve ainsi à l’origine de la littérature italienne.
Nous avons voulu que ce volume rendît parfaitement perceptible la langue de cette « femme de feu » qui gouverna l’Église par la force de sa sainteté et qui gouverne les cœurs par l’intensité du sien. Les traductions du Dialogue et des Lettres ont été choisies en ce sens : celui de la fidélité. Elles sont précédées par d’amples introductions historiques et critiques. Le volume contient également deux traductions des Oraisons, dont celle de Louis Chardon, l’un des plus grands stylistes du XVIIe siècle. Son très beau texte était introuvable depuis près de quatre siècles. Nous en avons renouvelé ici l’établissement ; Chardon est à sainte Catherine ce qu’Amyot fut à Plutarque. Ce volume s’achève avec la grande biographie que le confesseur de Catherine, Raymond de Capoue, lui consacra.
« Dieu a choisi ce qui est pauvre pour confondre ce qui est fort », dit l’Écriture : le prodigieux génie et la somptueuse sainteté de l’innocente de Sienne firent d’une analphabète aux livres admirables la première femme Docteur de l’Église. À la veille du IIIe millénaire, elle fut proclamée patronne de l’Europe. Son œuvre est mondialement présente mais plus rien ne permettait au public français d’y avoir véritablement accès. Cette injustice est réparée.

Sainte Catherine de Sienne, Œuvres complètes, suivies de La Vie de Catherine de Sienne par Raymond de Capoue ; avant-propos de Maxence Caron ; préface de François Daguet o.p., Les Belles Lettres, 2019, 1664 pages.

Texte établi, édition critique, introduction et traduction par Jourdain Hurtaud o.p., Etienne Cartier, Etienne Hugeny o.p. En supplément à la traduction traditionnelle des Oraisons, la traduction historique du même texte par Louis Chardon, jamais rééditée (le texte en a été établi par Maxence Caron).

TABLE DES MATIÈRES

 

Une femme de feu : Préface de François Daguet o.p.
Sainte Catherine et les événements de son siècle
Avant-propos de Maxence Caron

 

ŒUVRES COMPLÈTES

LE DIALOGUE
Préface du traducteur
LE DIALOGUE
Index analytique
Table des matières détaillée
LES LETTRES
Table générale des lettres de sainte Catherine de Sienne
Introduction du traducteur
LES LETTRES
Index analytique
Table des matières détaillée
LES ORAISONS ET ÉLÉVATIONS
LES ORAISONS, traduction d’Étienne Cartier
Table des oraisons de l’édition Cartier
ÉLÉVATIONS, traduction de Louis ChardonVIE DE SAINTE CATHERINE DE SIENNE par le bx. Raymond de Capoue
Table détaillée de la Vie de sainte Catherine

 

BIOGRAPHIES SUCCINCTES

Sainte Catherine de Sienne

À l’exception de Jeanne d’Arc, jamais femme ne reçut mission plus extraordinaire que Catherine Benincasa, fille d’un teinturier de Sienne. Indissociablement mêlées, sa vie et son œuvre sont un miracle littéraire autant qu’un miracle historique. Née en 1347 dans le siècle du Grand Schisme d’Occident, de la « Peste Noire » et de la Guerre de cent ans, elle meurt en 1370 à l’âge de 33 ans après avoir accompli, bien qu’analphabète, une œuvre littéraire incomparable et, bien que chétive, une action politique décisive. Aux jours les plus durs que traversait l’Europe depuis la chute de l’Empire Romain, et à l’époque la plus sanglante du Moyen Age italien, Catherine, jeune religieuse dominicaine, fut l’ardente zélatrice du renouveau de l’Église : alors que, disait-elle, « tout était corrompu et qu’on ne trouvait à reposer sa tête qu’en Jésus Crucifié », elle fut le ferme appui et le guide inspiré de la papauté, qu’elle fit revenir d’Avignon à Rome. Fait unique dans l’histoire : les papes Grégoire XI et Urbain VI la conduisirent en plein consistoire et lui demandèrent d’adresser la parole aux cardinaux, ce qu’elle fit avec une éloquence sublime, dénonçant les abus, déplorant les scandales, exhortant les princes de l’Église à faire l’œuvre de Dieu en n’ayant peur de rien. Lacordaire disait de Catherine qu’elle avait jusqu’à l’héroïsme ce qui manque le plus aux hommes de notre temps : la force. Une fois son œuvre politique accomplie, dont témoignent ses nombreuses Lettres, Catherine dicta à une vitesse prodigieuse son célèbre Dialogue. Son œuvre, avec celle de Dante, fonde la langue toscane et la littérature italienne. Sainte Catherine de Sienne est la première femme élevée à la dignité de Docteur de l’Église ; en 1999 elle est nommée patronne de l’Europe par le pape Jean-Paul II.

Raymond de Capoue

Raymond, de la noble famille Des Vignes, né à Capoue vers 1330, entra dans l’Ordre de saint Dominique où il développa un don pour l’instruction des âmes. Envoyé comme directeur aux religieuses de Montepulciano, il s’y montra, malgré sa jeunesse, un parfait maître de sainteté. Il continuait son ministère de direction spirituelle lorsque sainte Catherine de Sienne, qui jouissait déjà d’une extraordinaire renommée, fut avertie par révélation intérieure, comme elle l’écrit elle-même, de choisir Raymond comme arbitre de sa conscience et conseiller de ses actions. Il l’accompagna jusqu’à la fin. Après la mort de Catherine, et conformément aux prédictions de la grande sainte, Raymond fut élu Maître de l’Ordre des Prêcheurs. Il y ramena la discipline religieuse, qui était affaiblie par les calamités du redoutable XIVe siècle. Raymond de Capoue étendit son action à toute l’Église, et fut ainsi l’auxiliaire fidèle du pape Grégoire XI et de ses successeurs Urbain VI et Boniface IX. Il refusait tous les honneurs qui lui étaient offerts et ne vivait que de servir. Il mourut en 1399. Il a laissé à la postérité un récit des actes de la bienheureuse Agnès de Montepulciano, et il a écrit sur l’admirable vie de sainte Catherine de Sienne un livre de référence, partout célèbre. Il fut béatifié par le pape Léon XIII en 1899.

Louis Chardon

Louis Chardon est né en 1595. Il entre à vingt-trois ans dans l’Ordre de saint Dominique, au couvent de l’Annonciation à Paris. Il fut envoyé au couvent de Toulouse, là même où saint Dominique fonda, en 1215, l’Ordre des Prêcheurs. C’est à Toulouse qu’il rédige son chef-d’œuvre, La Croix de Jésus, une somme magistrale écrite en une langue qui fait de lui l’un des plus grands stylistes français. Le livre est publié en 1647, l’année même où il traduit les Oraisons de sainte Catherine. Louis Chardon est un homme discret, silencieux, sur qui l’on sait peu : il cultive une existence qu’éclaire sa doctrine de l’oraison et de la vie cachée. Chardon meurt à Paris en 1651.